Les dirigeants chypriotes grec et turc se rencontrent mercredi pour lancer des négociations directes intensives dans l'espoir de parvenir à un accord sur la réunification de l'île divisée depuis 34 ans.

Le Chypriote-grec Demetris Christofias, président de la République de Chypre, et le Chypriote-turc Mehmet Ali Talat, chef de la République turque de Chypre du Nord (RTCN) reconnue par la seule Turquie, lanceront le processus sur l'aéroport désaffecté de Nicosie, dans la zone tampon contrôlée par l'ONU.

Ce rendez-vous ne doit constituer qu'un coup d'envoi formel des pourparlers, les plus sérieux depuis le plan de l'ONU approuvé par les Chypriotes-turcs mais rejeté par la partie chypriote-grecque par referendum en avril 2004. L'île est entrée divisée dans l'Union européenne dans la foulée.

MM. Christofias et Talat sont déjà convenus d'établir une ligne téléphonique sécurisée pour faciliter les contacts directs durant le processus de négociations au cours duquel ils se verront au moins une fois par semaine.

Aucun délai n'a été fixé mais les Nations unies ont averti que les discussions ne pourraient durer indéfiniment sans progrès tangibles.

Des discussions préparatoires, lancées en mars, avaient été accompagnées par des mesures de confiance, dont l'ouverture d'un point de passage rue Ledra, reliant le sud au nord dans le centre historique de Nicosie.

Les optimistes misent sur les affinités personnelles et politiques partagées des deux dirigeants de gauche qui se sont déjà rencontrés à plusieurs reprises ces derniers mois.

M. Christofias, qui dirige le parti communiste Akel, a été élu en février sur la base d'un programme de relance des efforts de réunification. M. Talat, chef du Parti républicain turc (centre-gauche), avait parrainé le «oui» au référendum de 2004.

«Il y a de bonnes indications sur un changement d'attitude, a déclaré à l'AFP l'analyste chypriote-grec Sofronis Sofroniou. C'est un cas rare où les deux parties partagent les mêmes vues. Talat et Christofias viennent du même milieu».

Mais il a averti qu'avec le maintien par la Turquie de quelque 40 000 soldats dans le nord occupé de l'île, aucun des deux dirigeants n'a les mains entièrement libres pour conclure un accord.

«Si cela ne tenait qu'à Talat, il y aurait peut-être une solution mais la question est: que veut Ankara? quel sont ses projets? On l'ignore et probablement eux-mêmes l'ignorent», a-t-il ajouté.

Un expert des affaires internationales à l'Université de Nicosie, le professeur Hubert Faustmann, s'est pour sa part montré plutôt sceptique.

«Les chances de solution sont peut-être meilleures qu'auparavant mais, malheureusement, cela ne veut pas dire qu'elles sont bonnes. Il y a 30% de chance de succès. Si je devais parier de l'argent, je ne parierais pas sur un bon résultat».

«Il reste de nombreuses questions sur lesquelles ils n'ont pas pu se mettre d'accord. Des concessions doivent être faites sur la présence militaire de la Turquie et son droit d'intervention», a-t-il dit.

Et la «Turquie a besoin de quelque chose en échange pour renoncer à ce droit, comme l'adhésion à l'UE, mais je ne vois pas l'UE faire une telle concession à la Turquie, avec des pays comme la France et l'Allemagne qui y sont opposés», a-t-il ajouté.

Les derniers jours ont en outre été marqués par une polémique née du refus de la partie chypriote-turque d'ouvrir dans l'ouest de l'île un point de passage à des Chypriotes-grecs souhaitant se rendre sur un lieu de pèlerinage au nord.

Chypre est divisée depuis 1974, quand la Turquie a envahi le tiers nord de l'île après un coup d'État à Nicosie de nationalistes chypriotes-grecs soutenus par Athènes.

La Turquie a toujours insisté sur le maintien de son droit d'intervention, obtenu, avec ceux de la Grèce et la Grande-Bretagne, dans les traités qui ont accordé l'indépendance à l'île méditerranéenne en 1960.