Assises dans un parc devant le musée de Staline à Gori, deux femmes se prennent à regretter que la coutume des duels n'existe plus pour que Bush, Saakachvili et Poutine puissent régler leurs comptes, sans que les gens ordinaires n'en souffrent.

Des vitres cassées jonchant l'avenue centrale baptisée du nom de l'ex-dictateur soviétique, aux files d'attente d'habitants énervés venus chercher une aide humanitaire, tout rappelle les violences des jours précédents dans cette ville coupée du reste de la Géorgie, située à 60 kilomètres de Tbilissi. Et les militaires russes, avec leurs blindés, sont toujours là.

«Il faut que ces trois là s'affrontent en duel, (le président américain George W.) Bush, (géorgien Mikheïl) Saakachvili et (le premier ministre russe Vladimir) Poutine!», s'emporte Klaoudia Assanidzé.

«Nous avons vécu des bombardements terribles. Une proche, enceinte, a été tuée», ajoute-t-elle en pleurant.

«Nous n'avons rien contre les soldats. Ils nous aident, donnent de l'argent aux babouchkas qui n'ont rien à manger», tempère son amie, Irina Nanitachvili.

Mais elle regrette que le musée de Staline, originaire de Gori et dont la statue trône sur la place centrale, soit fermé. «Les militaires russes sont curieux, ils veulent profiter de l'occasion et le visiter», explique-t-elle.

La poste de Gori est elle aussi désertée, et malgré les bris de vitres encore épars, et que personne n'a ramassés, Grigori Lozovoï vient inspecter les lieux, avec pour seule compagnie celle d'un chiot et d'un chaton, entrés par les fenêtres béantes.

«Les politiques sont coupables de ce qui nous arrive. Les soldats répondent seulement aux ordres», dit-il, résigné.

Dans les rues, pas de voitures. Certains magasins sont ouverts mais beaucoup de gens n'ont pas d'argent pour s'approvisionner.

«Les salaires et les retraites n'arrivent pas, les gens n'ont pas d'argent», explique Nina Zakeridzé, 53 ans, qui fait la queue pour obtenir un paquet de riz, un sac de pommes de terre et de l'huile.

Le conflit entre le président géorgien farouchement pro-américain, au pouvoir depuis 2004, et le régime de Vladimir Poutine, ex-président russe devenu premier ministre en mai, a dégénéré en guerre le 8 août. La Russie a fait entrer ses troupes en Géorgie après une tentative de Tbilissi de reprendre par la force le contrôle de ce territoire séparatiste pro-russe.

Et les militaires postés à l'entrée et à la sortie de Gori ne laissent passer que les convois humanitaires.

Mme Zakérizdé affirme que les soldats russes censés être partis depuis lundi dernier sont en réalité de plus en plus nombreux et intensifient les contrôles d'identité. Et personne n'a de tendresse pour eux.

«Ils font exprès de laisser entrer les bandits et les pilleurs pour nous faire peur. Ensuite ils affirment que leur présence est indispensable pour nous protéger», peste-t-elle.