L'ouverture du Parlement au Zimbabwe, cinq mois après des élections où le régime a enregistré une défaite historique, pourrait hypothéquer toute reprise des négociations entre le pouvoir et l'opposition qui conteste cette décision, estiment des analystes.

La convocation pour lundi du Parlement «signifie que (le président zimbabwéen Robert) Mugabe exerce ses pouvoirs exécutifs», souligne le directeur de l'Institut des médias en Afrique du Sud, Takura Zhangazha.

«Cela pourrait avoir un impact négatif sur les pourparlers», entamés fin juillet pour définir une formule de partage du pouvoir et suspendus depuis le 12 août, ajoute-t-il. La formation du gouvernement est normalement prévue dans la foulée de la convocation du Parlement.

Le Mouvement pour le changement démocratique (MDC), qui a infligé une défaite historique au régime en mars, a fait la même critique dès l'annonce de la convocation des parlementaires pour leur prestation de serment lundi et l'ouverture officielle du Parlement mardi.

«Si vous convoquez le Parlement, vous fermez la porte des négociations», a ainsi déclaré le secrétaire général du MDC Tendai Biti, évoquant un dialogue «décapité».

Pour un expert en droit constitutionnel à Harare, Lovemore Madhuku, «si Mugabe convoque le Parlement et que le MDC ne vient pas, il y aura une crise politique».

Le MDC a indiqué que ses députés et sénateurs seraient présents à la prestation de serment, mais il est resté évasif concernant leur présence à l'ouverture des travaux, le lendemain, par le chef de l'État.

M. Mugabe, réélu en juin lors d'un scrutin contesté et boycotté par l'opposition, a convoqué le Parlement après avoir eu le feu vert de ses pairs d'Afrique australe le week-end dernier.

«Pendant que les négociations se poursuivent, il sera peut-être nécessaire de convoquer le Parlement afin de donner corps à la volonté du peuple exprimée lors des élections parlementaires du 29 mars», avait déclaré le médiateur dans ce dossier, le président sud-africain Thabo Mbeki.

Plusieurs analystes, comme Ivor Jenkins de l'Institut pour la démocratie en Afrique du Sud (Idasa), estiment cependant que cette décision enfreint le protocole d'accord fixant le cadre des négociations, signé fin juillet entre pouvoir et opposition.

«Si Mugabe convoque le Parlement, cela veut dire qu'il prend certains pouvoirs non négociés ou accordés pendant les pourparlers», développe le directeur de cet institut. «C'est une violation de l'accord entre les parties.»

Une faction dissidente du MDC, dirigée par Arthur Mutambara, a déjà fait savoir qu'elle siègerait au Parlement.

Avec dix députés, elle pourra jouer les arbitres à la Chambre des députés face aux 100 sièges remportés par le MDC de M. Tsvangirai et aux 99 députés de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir).

Plus que le lancement des travaux du Parlement, c'est la formation du gouvernement, normalement prévue dans la foulée, qui inquiète les analystes.

M. Tsvangirai, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle en mars, a pour l'instant refusé de signer un accord de gouvernement d'union, contrairement aux deux autres parties.

Le dialogue achoppe sur la question de la répartition des pouvoirs exécutifs entre MM. Mugabe et Tsvangirai, qui réclament tous deux la part du lion.

«L'accent ne devrait pas aujourd'hui porter sur la décision de Mugabe» de convoquer le Parlement, conclut le directeur du centre sud-africain des études politiques, Chris Landsberg.

«On devrait plutôt se demander pourquoi les parties n'arrivent pas à s'entendre sur un problème majeur: le partage du pouvoir.» Plusieurs observateurs estiment en effet que des responsables des services de sécurité encouragent M. Mugabe à ne pas céder trop de pouvoirs.