Le président du Pakistan Pervez Musharraf, qui a démissionné lundi, est l'allié-clef des États-Unis dans «leur guerre contre le terrorisme», une cause qu'il a longtemps mise à profit dans son pays pour s'ériger en rempart contre l'islamisme.

Au sommet de son impopularité, l'ancien membre des commandos d'élite arrivé à la tête de l'État en octobre 1999 à la faveur d'un putsch sans effusion de sang, a cédé face à ses adversaires politiques.

La coalition gouvernementale hostile à M. Musharraf mise sur pied en mars par le veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari, et l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, a finalement eu raison de celui qu'elle avait juré de destituer.

Ironie de l'Histoire, M. Sharif avait été renversé par le général Musharraf il y a neuf ans et contraint à l'exil avant de revenir au Pakistan en 2007.

Menacé de destitution devant le Parlement, brocardé dans la rue, M. Musharraf, 65 ans, semble avoir payé sa tentative de se maintenir au pouvoir coûte que coûte qui l'a poussé à prendre des mesures d'exception impopulaires.

Il avait justifié l'état d'urgence imposé en novembre 2007 par une insurrection islamiste et des «ingérences» de la Cour suprême qui contrarie régulièrement ses desseins et qui aurait pu contester la légalité de sa réélection le 6 octobre 2007.

Le tout face à la contestation de concitoyens d'une puissance nucléaire qui a vécu plus de la moitié de ses 61 ans d'existence sous la férule de généraux putschistes, et le reste sous des gouvernements civils soumis à la toute puissance de l'armée.

Après les attentats du 11 septembre 2001, M. Musharraf est devenu l'allié-clé des États-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme», ce qu'il aime à répéter.

Il se présente ainsi volontiers comme le sauveur de la Nation pakistanaise mais aussi, ni plus ni moins, comme le défenseur du monde contre Al-Qaeda. Les États-Unis pensent en effet que le réseau d'Oussama ben Laden et les talibans afghans ont reconstitué leurs forces dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan, à la frontière de l'Afghanistan, grâce au soutien de talibans pakistanais.

M. Musharraf se réfère à l'envi à Napoléon ou à Nixon, louant le franc-parler tout militaire de l'empereur français et l'instinct et la capacité du président américain à s'adapter aux circonstances.

Moins romantiques, ses contempteurs disent qu'il a succombé à une pathologie bien connue chez les «dictateurs»: le sentiment d'être indispensable au pays.

Le président, qui n'est plus général en chef des armées depuis fin 2007, a fait cependant preuve de courage en restant à un poste qui lui a valu déjà deux tentatives d'attentat signées Al-Qaeda. «Je me considère chanceux, Napoléon a dit qu'en plus de toutes les qualités requises, un leader doit avoir de la chance pour réussir, alors je dois réussir», a-t-il dit récemment.

Né à Delhi en Inde le 11 août 1943, Musharraf et sa famille ont émigré vers l'État nouvellement crée du Pakistan peu après la partition bâclée et sanglante de l'Empire britannique des Indes des 14 et 15 août 1947.

C'est dans cette nation balbutiante qu'il embrasse une carrière militaire dès l'âge de 18 ans. L'uniforme ne le quittera pas pendant plus de 45 ans.

Médaillé pour acte de bravoure lors de la guerre de 1965 contre l'Inde, il intègre l'année d'après un commando d'élite.

Son ascension commence réellement le 7 octobre 1998 quand le premier ministre Sharif le nomme chef d'état-major des armées.

Mais en 1999, lors d'un nouvel affrontement avec l'Inde, à Kargil au Cachemire indien, le torchon brûle entre les deux hommes: Sharif ordonne le retrait de l'armée pakistanaise sous la pression de Washington, rendant responsable Musharraf de ce revers.

Sharif essaie alors de l'évincer, mais les militaires fidèles à leur chef lui permettent de s'emparer du pouvoir le 12 octobre 1999, sans un coup de feu.

Musharraf promet de rétablir la démocratie après avoir éradiqué la corruption. Il est reconduit au pouvoir pour cinq ans en 2002.

Mais il n'aura pas tenu un an au cours de son second quinquennat, acculé par ses adversaires politiques et au moment où l'allié américain s'est empressé de garder ses distances vis à vis d'une «affaire interne pakistanaise».