Enveloppée d'un léger voile noir, Takawalat est assise sur une natte, entourée de quatre de ses enfants. Tous ne sont libres que depuis quelques semaines, après s'être enfuis de chez leur «maître», dans le Nord du Mali où une association veut dénoncer «7 000 cas d'esclavage».

«Mon mari et moi avons eu tous nos enfants chez le maître. Le travail difficile, les insultes, les brimades, l'impossibilité de quitter le maître... C'est le résumé de notre vie», confie à l'AFP Takawalat, 35 ans, dont le plus âgé des cinq enfants a huit ans.

«Mon aîné n'a pas pu fuir, dit-elle. Il est toujours là-bas», à Intakabat, à une quarantaine de kilomètres de Gao, à 1.200 km au nord-est de Bamako.

C'est aussi «là-bas», chez le «maître», que Takawalat dit avoir reçu les coups de cravache dont elle porte les traces. «Même à Gao où nous avons trouvé refuge, il a envoyé des gens pour nous menacer», conte-t-elle en tamasheq, la langue des Touareg, d'origine berbère.

L'époux de Takawalat a porté plainte devant la justice malienne, avec le soutien de l'association Temedt pour la «promotion des droits humains», dont les responsables sont essentiellement des Touareg noirs lettrés.

«Dans le Nord du Mali, nous estimons à environ 7.000 le nombre de personnes victimes d'esclavage, plus précisément dans la région de Gao», explique Amed Ag Mohamed, professeur de lettres à Gao et militant de Temedt.

«Les esclaves sont des Touareg noirs ou des autochtones, les esclavagistes des arabes ou des Touareg blancs», affirme-t-il.

Mohamed Ag Intassaguit, également militant à Temedt, insiste: «Quand le maître achète un homme qui devient son esclave, il hérite de toute sa famille dont les membres deviennent automatiquement esclaves. Il a quasiment droit de vie et de mort sur l'esclave. La femme esclave s'occupe des travaux domestiques, son mari des troupeaux, des champs».

Timidement, Takawalat intervient: «Chez notre maître, nous ne sommes pas payés. Nous travaillons trop. Que nous le voulions ou non. Nous ne pouvons pas quitter le hameau. C'est trop trop dur».

«Voila! C'est la définition même de l'esclavage: un homme soumis à un autre sans son consentement, par contrainte», commente Ibrahim Ag Mohamed, adhérent de Temedt.

Des membres de l'association conviennent néanmoins qu'«il faut faire la part des choses», en rappelant que dans les sociétés traditionnelles, des hommes qualifiés de «castés» étaient considérés comme «subordonnés» à d'autres.

Aujourd'hui encore, des hommes acceptent cette posture: ils travaillent chez des hommes plutôt nantis et, en retour, sont hébergés et nourris par «le maître».

«On ne peut alors pas parler d'esclavage, parce que ces hommes sont d'accord pour cohabiter avec d'autres», nuance Ahmed Ag Mohamed. En revanche, poursuit-il, «nous dénonçons des cas avérés d'esclavage, de gens qui demandent à quitter cette situation».

Sous couvert d'anonymat, une source judiciaire souligne aussi qu'il ne faut pas confondre «liens sociaux et esclavage», car «si certains acceptent ces liens et cohabitent un peu en harmonie avec les +maîtres+, d'autres veulent se libérer de ce joug».

«Personne au Mali ne peut cautionner l'esclavage. La difficulté, c'est que les cas signalés sont plutôt difficiles d'accès», ajoute cette source, confirmant qu'«à Gao et Menaka (1.500 km de Bamako), des plaintes ont été déposées».

Temedt a lancé, le 25 août, une campagne de sensibilisation et souhaite «alerter l'opinion nationale et internationale», pour «que ceux qui veulent quitter leur maître puissent avoir le droit de le faire sans crainte».

«Le gouvernement malien doit nous aider, dit M. Ag Mohamed, à sillonner les hameaux, les tentes, pour porter la nouvelle».