Quinze mille personnes environ se sont rassemblées mardi soir dans le centre de Belgrade, à l'appel de l'opposition nationaliste, pour exprimer leur soutien à Radovan Karadzic, qui attend son départ pour La Haye, et dénoncer en termes très durs le président Boris Tadic.

Ils étaient 15 000, selon les estimations de la police, à occuper la place de la République, dans le centre même de la capitale serbe, pour protester contre un transfèrement vers le Tribunal pénal international (TPI) de La Haye de Radovan Karadzic, l'ancien chef politique des Serbes de Bosnie.

La manifestation était organisée par le Parti radical serbe (ultra-nationaliste), dont le numéro deux, Tomislav Nikolic, était présent parmi la foule.

«Merci à vous d'être venus en aussi grand nombre pour montrer que la Serbie n'est pas morte», a lancé aux manifestants l'un de ses adjoints, Aleksandar Vucic, dans une courte allocution, bientôt interrompue par les cris de «Tadic, traître».

Le frère de Radovan Karadzic, Luka, était également là.

D'importants effectifs des forces de l'ordre avaient été déployés pour éviter tout débordement, mais aucun incident n'avait été signalé à 21H30 locales (15H30, heure de Montréal).

Plusieurs ambassades du quartier, en particulier celle des États-Unis et de Croatie, faisaient l'objet d'une protection spéciale des forces de l'ordre, ainsi que le siège de la télévision d'État serbe.

La tension fut toutefois palpable place de la République, lorsqu'un groupe de 100 à 150 jeunes gens très agressifs est arrivé, agitant un immense drapeau serbe et un portrait de Radovan Karadzic.

«Nous vous tuerons tous», proclamait une banderole tandis qu'une autre menaçait: «Boris Tadic, la Serbie te prépare des funérailles, tu es fini».

Les manifestants interrogés ne ménagaient pas leurs propos contre le président serbe. «Tadic est payé par l'Occident», pour Radmila Djelic, une retraitée, âgée de 57 ans. Selon elle, le transfèrement de Radovan Karadzic constitue «le dernier acte de la dictature de Tadic».

Une femme gardant l'anonymat a estimé que le prochain départ de Radovan Karadzic vers La Haye était «avant tout une honte pour notre peuple. Nous sommes furieux de l'injustice» perpétrée à l'encontre des Serbes, car le Tribunal de La Haye est «un tribunal politique».

Momir Vasiljevic, écrivain, 55 ans, partageait un avis similaire: «je suis fier qu'il se soit caché (Radovan Karadzic) toutes ces années et je suis consterné de le voir livré aux crocs de la bête. Le Tribunal de La Haye ne se réfère pas à la loi, à la justice. Il est clair que c'est une instance politique».

Les manifestants devaient défiler dans la soirée dans les rues du centre de la capitale, après le rassemblement place de la République et prendre la direction du Parlement serbe.

Cette manifestation était la première d'importance de l'opposition nationaliste depuis l'annonce de l'arrestation de l'ancien chef des Serbes de Bosnie, le 21 juillet.

Radovan Karadzic est inculpé depuis 1995 par le TPI de La Haye de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre pour son rôle pendant la guerre de Bosnie (1992-1995). Mais il est considéré encore par beaucoup en Serbie comme un «héros».

Le président Tadic a estimé «incroyable» mardi que l'on puisse organiser des manifestations contre le départ de Radovan Karadzic vers La Haye, soulignant qu'un tel transfèrement vers le TPI était prévu par la loi serbe.

«Il est incroyable que des gens protestent contre le respect de la loi (...) Si nous ne respections pas nos lois, cela équivaudrait à adresser un message à nos citoyens et au monde que la civilisation ne règne pas» en Serbie, a poursuivi le président pro-européen, cité par la radio B-92.

Entretemps, la procédure légale pour le transfèrement de Radovan Karadzic semblait au point mort, plus d'une semaine après son arrestation. Le Tribunal serbe pour les crimes de guerre n'avait toujours pas reçu mardi le recours de Radovan Karadzic, rendant la situation quelque peu confuse.