Les dirigeants de plus de 40 pays ont officiellement lancé dimanche à Paris l'Union pour la Méditerranée (UPM) voulue par le président français Nicolas Sarkozy, lors d'une rencontre où se sont multipliés les gestes de bonne volonté en faveur de la paix au Proche Orient.

Les chefs d'État et de gouvernement ont adopté une déclaration d'une dizaine de pages marquant l'acte de naissance de l'UPM, à l'issue d'une séance plénière de quatre heures dans le cadre prestigieux du Grand Palais, un monument construit au bord de la Seine pour l'exposition universelle de 1900.

Cette union regroupe 43 pays, représentant quelque 750 millions d'habitants, du continent européen et de la rive sud de la Méditerranée, une des régions les plus divisées du monde.

«Nous en avions rêvé, l'Union pour la Méditerranée est maintenant une réalité», s'est félicité lors d'une conférence de presse finale M. Sarkozy, qui avait dû batailler ferme pour imposer son projet face aux réticences initiales des Européens comme de certains pays arabes.

Ce sommet a été marqué par une première : le président syrien Bachar al-Assad et le premier ministre israélien Ehud Olmert, dont les pays sont théoriquement en guerre depuis 1948, se sont retrouvés assis à une même table, même s'ils sont restés à distance.

Le séjour de M. Assad à Paris lui a permis de faire un retour éclatant sur la scène internationale, notamment en affichant sa volonté d'établir des relations diplomatiques avec le Liban.

Reçu dimanche matin au palais de l'Élysée avec le président palestinien Mahmoud Abbas, M. Olmert a estimé qu'Israéliens et Palestiniens n'ont «jamais été aussi proches d'un accord» de paix.

En outre, selon des sources israéliennes, la rencontre de Paris a été l'occasion de nouveaux pourparlers indirects entre l'État hébreu et la Syrie.

«Le monde entier vous regarde», a lancé M. Sarkozy aux dirigeants présents à l'ouverture du sommet dans l'après-midi.

Le président français, qui coprésidait la rencontre avec son homologue égyptien Hosni Moubarak, a salué «tous les pays arabes» membres de l'UPM qui ont «fait un geste de paix».

Il a espéré «écrire ensemble notre histoire commune sur un pied d'égalité entre le Nord et le Sud».

M. Moubarak a de son côté souhaité que la «nouvelle phase» lancée par l'UPM soit «la phase de la paix au Proche-Orient».

Il y avait dimanche à Paris deux absents de marque: le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, qui a jugé le projet «effrayant», et le roi du Maroc Mohammed VI, pour cause d'agenda «surchargé».

Signe de la complexité de l'exercice, aucune «photo de famille» n'a eu lieu en fin de rencontre. Mais, pour la France, le fait de réunir autour d'une même table des rivaux de longue date constituait en soi une «victoire».

Le «monde ne va pas être changé» en un jour avec l'UPM, a tempéré le ministre suédois des Affaires étrangères, Carl Bildt, reflétant les doutes d'une partie des Européens sur le projet.

La déclaration finale du sommet, notamment le passage sur le processus de paix au Proche-Orient, a fait l'objet jusqu'au bout de tractations laborieuses. C'est précisément à cause de ce type de divergences que le «processus de Barcelone», lancé en 1995 entre les Européens et le sud de la Méditerranée, s'est enlisé.

Dans son discours d'ouverture, M. Sarkozy s'est nommément adressé à la chancelière allemande Angela Merkel, qui avait bloqué son projet initial se limitant aux pays du pourtour méditerranéen, pour lui dire que tous partageaient le même intérêt : «que la paix et la stabilité règnent dans la Méditerranée».

Les initiateurs de l'UPM espèrent garantir leur succès en se concentrant sur de grands projets concrets comme la dépollution de la Méditerranée et l'énergie solaire.

Ils insistent aussi sur la volonté d'une parité Nord-Sud, symbolisée par deux coprésidents issus de chacune des deux rives.

Le secrétariat général devrait revenir à une ville du sud. Mais la question est à l'origine de vives rivalités et sera remise à plus tard.

Le financement des projets restera lui aussi à définir une fois passée la grand-messe de lancement.

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Les principaux points de l'acte de naissance de l'Union pour la Méditerranée

UNE AMBITION STRATÉGIQUE

Les 43 pays membres (les 27 Etats membres de l'UE, plus Algérie, Egypte, Israël, Jordanie, Liban, Maroc, Mauritanie, Syrie, Tunisie, Turquie, Autorité palestinienne, Albanie, Croatie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro et Monaco) sont «unis (...) par une ambition commune, qui est de bâtir ensemble un avenir de paix, de démocratie, de prospérité et de compréhension humaine, sociale et culturelle».

SIX «PROJETS REGIONAUX CONCRETS»

L'UPM veut «traduire» ses objectifs en «projets régionaux concrets». Les participants ont donné dimanche la priorité à six de ces «initiatives clés».

- La dépollution de la Méditerranée: la Commission européenne a déjà présenté en mars des projets concrets qui visent à éliminer 80% des sources de pollution d'ici à 2020 et devraient coûter au moins 2 milliards d'euros.

- La construction d'autoroutes maritimes et terrestres pour améliorer la fluidité du commerce entre les deux rives de la Méditerranée.

- Le renforcement de la protection civile, d'autant plus importante que le bassin méditerranéen est exposé à un risque grandissant de catastrophes naturelles, lié au réchauffement climatique.

- La création d'un plan solaire méditerranéen.

- Le développement d'une université euroméditerranéenne, déjà inaugurée en juin à Portoroz (Slovénie).

- Une initiative pour aider au développement des PME.

ORGANISATION

Les participants sont d'accord pour organiser un sommet tous les deux ans, alternativement dans l'UE et dans un des autres pays partenaires.

L'UPM bénéficiera d'une coprésidence, qui sera assurée au Sud pour deux ans non renouvelables par un pays choisi par concensus par les pays du Sud. Pour le Nord, les règles devront respecter les traités européens, mais les détails ont été reporté à novembre. L'Egypte et la France seront les deux premières coprésidentes.

Un secrétariat général sera chargé de lever les fonds et de mener à bien les projets choisis au cours des sommets. Mais le choix du lieu et les détails de fonctionnement de ce secrétariat ont été remis à novembre.

Ces nouvelles structures devraient être opérationnelles «avant la fin de 2008».

L'UPM pourra financer ses projets par diverses sources : participation du secteur privé, budget européen, contribution de tous les États participants ou d'autres pays tiers, Banque européenne d'investissement, etc.