Les défenseurs de la protection de l'enfance au Togo viennent de remporter une grande victoire et pas contre n'importe qui: les grands prêtres vaudou. Les centaines de fillettes qui servent les divinités dans les couvents vont pouvoir en sortir et retourner à l'école.

La décision a été prise fin mai par «Maman Kponou» en personne, la «mère des divinités» du Togo.

Mais pour en arriver là, trois années d'intenses tractations auront été nécessaires entre les autorités, les associations de défense des droits des enfants et les prêtres vaudou, suite à certaines rumeurs de viol de mineures dans des couvents. Selon des enquêtes menées par les autorités, certaines fillettes, entre 7 et 12 ans pour la plupart, seraient également soumises au mariage forcé.

Il a également fallu de nombreuses offrandes aux divinités: boeufs, poulets, boissons, noix de cola, sans oublier de grandes cérémonies vaudou dans la forêt sacrée avec sacrifices animaux aux ancêtres.

A une soixantaine de kilomètres au nord de Lomé, «Maman Kponou» règne sur la forêt sacrée de Togoville. Cette femme d'environ 60 ans, pagne blanc toujours noué à la poitrine, le cou orné de longues perles multicolores, dirige plus de 150 divinités d'une douzaine de couvents.

Une centaine d'hommes pour la plupart dénudés veillent sur elle.

«Désormais, nos filles seront libérées après les rites initiatiques afin de leur permettre d'aller à l'école», affirme Togbui Gnagblondjro III, le président des prêtres vaudou.

«Ce fut un long processus ponctué de prières et de sacrifices aux ancêtres», raconte le grand prêtre.

«Les rites réservés aux filles auront lieu désormais pendant les vacances et durant deux mois», explique Houndjènouko, prêtresse de Hêviosso, le dieu de la foudre.

Selon des prêtres vaudou, plusieurs centaines de fillettes sont baptisées chaque année «vaudoussi» (adeptes de vaudou), après de longs rites initiatiques, entre trois mois et deux ans.

Mais au lieu de rejoindre leurs familles après ces cérémonies, elles restaient dans des couvents pour servir les divinités.

Durant ces rites, des «Hounsrou» (animateurs des couvents) leur apprennent notamment le langage et les règles de la communauté ainsi que les pas des danses sacrées.

Certaines fillettes sont scarifiées sur le front, à la poitrine, aux bras, pour les identifier par rapport à leurs divinités.

«Quel soulagement, ces filles sont enfin sauvées», se réjouit la députée et ancienne ministre chargée de la protection de l'enfant Christine Agnélé.

Inlassablement, Christine s'est battue en sillonnant les couvents du pays pour faire interdire cette pratique.

«Je salue le courage des autorités», commente sobrement Kwami Djogbessi: sa fille doit subir ces rites lors des prochaines vacances scolaires.

«Nous avons apprécié le fait que les autorités ne brandissent pas les textes, nos coutumes ont toujours leur poids dans certains milieux. Mais nous devons rester vigilants», avertit Cléophas Mally, le responsable de WAO-Afrique, une ONG de défense des droits des enfants.

Le code de l'enfant, voté en juin 2007, punit de un à cinq ans de prison toute personne qui aura «caché, soustrait un enfant dans le but de le priver de son état personnel et familial».

Apparu vers la fin du XVIe siècle sur les rives du fleuve Mono qui sépare le Togo du Bénin, le culte vaudou tourne autour de l'adoration du Dieu Mahu à travers des divinités représentées la plupart du temps par des mottes de terre.

Plus de 60% de la population togolaise (plus de 5 millions d'habitants) pratique ce culte où se côtoient environ 200 divinités, surtout dans le sud du pays.