C'était jour de fête nationale hier en Belgique mais Paul-Henry Gendebien ne se sentait pas vraiment concerné.

En matière de célébrations étatiques, c'est plutôt le 14 juillet qui est la référence pour l'ex-député belge. «Ce jour-là, je mets le drapeau national français sur la façade de ma maison... Je pense que je n'ai même pas de drapeau national», a-t-il indiqué à La Presse lors d'une entrevue réalisée à Liège, principale agglomération de la Wallonie.

L'aveu n'a rien de surprenant venant de cet homme de 69 ans qui milite activement depuis près de 10 ans pour le rattachement de la partie francophone de la Belgique - et de ses quatre millions d'habitants - à la France.

La crise politique que vit actuellement le petit pays, alimentée par les revendications autonomistes de la riche Flandre, conforte dans son analyse ce «réunioniste», président du Rassemblement Wallonie-France.

«Nous assistons actuellement à la fin de l'État de droit et à la montée de la violence politique», souligne M. Gendebien, qui a depuis longtemps fait une croix sur le modèle constitutionnel belge.

Le fédéralisme n'a pas réussi, dit-il, à «pacificier» les rapports entre Wallons et Flamands ou à corriger le déséquilibre de pouvoir entre les deux groupes.

Flamands et Wallons

Les nationalistes néerlandophones se font de plus en plus revendicateurs, n'hésitant pas, par exemple, à interdire l'usage officiel du français dans des communes à majorité française de la périphérie de Bruxelles. Ou à faire appel à la délation pour épingler les commerces dérogeant aux lois linguistiques.

L'affirmation identitaire flamande se traduit, sur le plan politique, par une volonté de décentralisation qui ne cesse d'alimenter de nouvelles crises, résume M. Gendebien. La plus récente s'est déclarée la semaine dernière lorsque le premier ministre flamand Yves Leterme a présenté sa démission après avoir tenté en vain de jeter les bases, avec ses pairs francophones, d'une énième réforme de l'État.

Le roi belge Albert II, qui a lancé un appel à l'unité à l'occasion de la fête nationale, a mandaté trois élus pour tenter de débloquer la situation. Les médias locaux évoquent la possibilité d'un système confédéral qui ne serait, au dire de M. Gendebien, qu'une «coquille vide».

«Le confédéralisme, pour reprendre la définition qu'en avait donné un sénateur francophone, c'est le fédéralisme pour les cons», souligne-t-il.

Plutôt que de laisser la crise s'aggraver et de favoriser une flambée des tensions, les élus francophones devraient plaider dès maintenant pour une rupture «en douceur» comme celle qu'a connu la Tchécoslovaquie, plaide l'ex-député.

Le cas échéant, la population wallone trouverait tout naturellement son intérêt à s'unir à la France puisque la population locale a toujours été, dit-il, «en symbiose avec les mouvements ayant façonné» son voisin. Il s'agirait en quelque sorte d'un retour dans le temps puisque le territoire formant actuellement la Belgique a fait partie de la France de 1795 à la défaite de Waterloo, en 1815.

«Il n'y a pas de sentiment national wallon parce que nous sommes un morceau de la nation française égaré par les hasards de l'Histoire», souligne M. Gendebien, qui plaide aussi pour le rattachement de Bruxelles, capitale à majorité francophone située en territoire flamand.

Il reste à voir quelle serait l'attitude de la France advenant une hypothétique demande de ce type. «La position diplomatique officielle relativement à la Wallonie est la même que celle pour le Québec: ni-ingérence, ni-indifférence... Mais je suis certain qu'ils nous ouvriront leurs bras le moment venu», souligne le militant.

Selon lui, Paris a tout à gagner à dire oui même si la situation économique de la partie francophone de la Belgique est difficile. Le pays, dit-il, augmenterait son marché intérieur et son poids au sein de l'Europe tout en coupant court à tout risque d'anarchie politique sur son flanc nord.

Par le passé, le Rassemblement Wallonie-France n'a récolté que quelques points de pourcentage lors des élections régionales. Un résultat modeste que M. Gendebien explique par le fait que la population locale ne «veut pas mettre l'huile sur le feu» tant que le démantèlement de l'État belge ne sera pas devenu inéluctable.

Selon un récent sondage, l'appui au réunionisme monte à 30% dans l'hypothèse d'une rupture, relève le politicien, qui se félicite de voir les références à son option se multiplier dans les médias belges.

«J'ai connu une longue traversée du désert. Nous n'étions que cinq au moment du lancement du mouvement en 1999... Nous savons que la roue de l'Histoire tourne inéluctablement dans notre sens», conclut-il.