Un des deux grand partis américains, celui des démocrates, désignera pour la première fois fin août un homme de couleur, le métis Barack Obama, comme son champion à l'élection présidentielle aux États-Unis. Or le facteur racial continue à jouer un rôle non négligeable dans la politique du pays.

«Les peurs raciales et les conflits raciaux ne se limitent certainement pas au sud des États-Unis», souligne Michael Dawson, un politologue de l'université de Chicago. «On peut l'observer dans la plus grande partie du pays.»

Les candidats aux États-Unis jouent depuis longtemps sur les peurs et les préjugés, mais ils ont désormais recours à des «ficelles» plus subtiles qu'à l'époque des «Dixiecrats», ces ségrégationnistes du Sud qui ont quitté le Parti démocrate dans les années 60, explique Andra Gillespie, politologue à l'université Emory. «On ne peut plus être ouvertement raciste», ajoute-t-elle.

Aujourd'hui, les hommes politiques emploient des tactiques décrites par Tali Mendelberg, de l'université de Princeton, dans un livre de 2001 intitulé «La carte raciale: stratégie de campagne, messages implicites et la norme de l'égalité». Mme Mendelberg évoque l'utilisation d'images et de certains mots qui ont une résonance particulière dans l'inconscient collectif, eu égard au facteur racial.

«On envoie un clin d'oeil quand on dit 'antibusing» (par opposition au 'busing': ramassage scolaire visant à combattre la ségrégation, ndlr), 'ordre public» ou les 'reines de l'aide sociale', comme le fit Ronald Reagan dans les années 80», souligne Mme Gillespie. «Si vous pouvez exploiter ces préjugés (...) vous pouvez obtenir le même effet que si vous utilisiez directement le mot commençant par N («nègre», ndlr)», ajoute-t-elle.

Au Mississippi, un des Etats comptant le plus de Noirs élus, le facteur racial continue à être utilisé dans les campagnes électorales. Cette année, lors d'une élection spéciale pour un siège au Congrès de l'Etat, le candidat républicain Greg Davis a tenté dans un spot télévisé de faire le lien entre son adversaire démocrate Travis Childers et l'ancien pasteur de Barack Obama, Jeremiah Wright, auteur de sermons très controversés et considéré par certains comme anti-blanc.

«Lorsque le pasteur d'Obama a maudit l'Amérique et nous a accusés pour les attentats du 11-Septembre, Childers n'a rien dit», affirme sur un ton ironique la voix off dans le film de campagne. M. Childers, qui comme son adversaire est blanc, a dénoncé une publicité «mesquine».

Plusieurs jours avant l'élection du 13 mai, remportée par Travis Childers, les démocrates ont diffusé des tracts accusant Greg Davis de vouloir ériger une statue en l'honneur du fondateur du Ku Klux Klan, le général Nathan Bedford Forrest. Une allégation contestée par M. Davis.

Au Wisconsin, Louis Butler, le seul juge noir de la Cour suprême de l'Etat dont le mandat était remis en jeu dans une élection, a été battu en avril après avoir été accusé de «travailler à mettre les criminels dans la rue» par un spot télévisé de son adversaire Michael Gableman. La publicité montrait sa photo à côté de celle de Reuben Lee Mitchell, un homme noir condamné pour un viol dans les années 80.

«Butler a découvert une faille», affirmait la publicité. «Mitchell a ensuite molesté un autre enfant.» Louis Butler avait en fait jadis défendu Ruben Lee Mitchell en tant qu'avocat et obtenu pour lui un nouveau procès, mais cette décision avait été annulée et le condamné était resté en prison. Il a commis un autre viol des années plus tard alors qu'il se trouvait en liberté conditionnelle. Le Comité pour l'intégrité de la campagne judiciaire du Wisconsin a qualifié de «scandaleuse» l'attaque du spot de Michael Gableman.

Selon Mme Gillespie, un candidat visé dans une publicité par une attaque raciale, qu'elle soit subtile ou manifeste, devrait la dénoncer publiquement pour ce qu'elle est. Une telle réaction change la manière dont les gens perçoivent cette publicité parce qu'ils sont contraints faire plus ouvertement face à leurs propres préjugés raciaux, ajoute-t-elle.