Meurtres, incendies d'églises, vandalisme: alarmée par une vague de violences entre hindous et chrétiens qui déferle dans l'État de l'Orissa depuis une semaine, les autorités indiennes ont décidé hier de prendre les grands moyens pour freiner les confrontations interconfessionnelles qui ont déjà fait plus de neuf morts.

Hier, des centaines de policiers antiémeute ainsi que des paramilitaires ont été déployés dans le district de Kandhamal, à quelque 300 km de la capitale de l'État, Bhubaneswar. Principal théâtre des affrontements, cette région tribale abrite une minorité chrétienne importante, représentant quelque 20% des 600 000 habitants.

Hier, les agents de police ont reçu l'ordre d'ouvrir le feu sur les émeutiers et sur quiconque tentera de défier le couvre-feu imposé mardi dans plus de 10 villes du district.

Histoire de conversion

Le tourbillon de violence a commencé samedi dernier après qu'un dignitaire du Conseil mondial hindou, Swami Laxmandananda Saraswati, eut été tué avec quatre autres de ses coreligionnaires dans son ashram situé à Jalespata. Le leader hindou, installé dans cette région de l'est de l'Inde en 1966, était connu pour sa campagne contre la conversion des basses castes au christianisme. Il dénonçait vertement le zèle des missionnaires protestants et catholiques.

Pour le moment, les autorités indiennes soupçonnent un groupe maoïste d'être derrière les meurtres, mais des groupes d'hindouistes accusent pour leur part les chrétiens d'avoir fomenté l'assassinat.

Depuis samedi, des émeutiers ont incendié une quarantaine d'églises et plus de 400 maisons appartenant à des familles chrétiennes dans le district. Une femme hindoue a été brûlée vive quand des manifestants ont mis le feu à un orphelinat chrétien dans le village de Khuntpali, dans un district voisin. Cet incident tragique a eu lieu après que le Conseil mondial hindou et le parti nationaliste hindou, le Bharatiya Janata Party (BJP) eut appelé leurs partisans à protester en public.

Inquiétude à Delhi et au Vatican

D'autres affrontements dans les rues entre chrétiens et musulmans sont aussi à la base de plusieurs décès supplémentaires. Hier, la principale chaîne de nouvelles télévisées indienne, NDTV, annonçait que plus de 20 morts ont été comptabilisés à ce jour, alors que le gouvernement de l'Orissa en relevait neuf.

Les événements des derniers jours donnent des sueurs froides au gouvernement indien, à l'approche d'élections générales, prévues pour le printemps. Le ministre adjoint à l'Intérieur, Sriprakash Jaiswal, a exprimé hier "l'inquiétude extrême du gouvernement" fédéral, sommant les autorités de l'Orissa de «partir en guerre» pour juguler des «violences» jugées «sans précédent» par les groupes chrétiens du pays.

Le pape Benoît XIV a emboîté le pas aux autorités fédérales indiennes en condamnant les violences des derniers jours lors d'un discours prononcé au Vatican hier. Il a déploré «les attaques contre la vie humaine» après avoir appris qu'un catholique d'Orissa aurait été coupé en morceaux par des émeutiers.

En signe de protestation, la conférence épiscopale de l'Inde, a décidé de fermer les portes de 25 000 écoles catholiques demain.

Une tension palpable

De passage dans cet État de l'est de l'Inde en juin, l'auteure de ces lignes a pu constater que la tension entre groupes religieux était déjà palpable au début de l'été.

Les temples hindous de l'Orissa, dont certains très anciens et d'une grande valeur architecturale, étaient gardés par des hordes de policiers ainsi que par des patrouilles hindouistes. Des dizaines de jeunes hommes en pagne safran (la couleur de l'hindouisme, mais aussi des mouvements nationalistes hindous) gardaient aussi un oeil sur l'entrée des temples, interceptant tous ceux qui, à leurs yeux, ne semblaient pas appartenir à la religion de Vishnu et de Shiva.

Depuis la partition de l'Inde et du Pakistan en 1947, l'Inde a connu de nombreux épisodes de violences communales la plupart du temps entre hindous et musulmans. Les adeptes d'Allah forme la principale minorité religieuse du pays. Les chrétiens ne représentent que 2% de la population globale de 1,2 milliard.

Avec l'AFP, NDTV, The Economic Times, The Hindustan Times