Le chef de l'opposition malaisienne Anwar Ibrahim a prêté serment jeudi devant le Parlement où il a retrouvé son siège de député après dix années d'exil politique, dont six passées en prison.

«Je suis heureux d'être de retour après dix années», s'est félicité M. Anwar accompagné de son épouse Wan Azizah Wan Ismail et de sa fille Nurul Izzah Anwar, également parlementaire.

Ecarté en 1998 du poste de vice-Premier ministre, puis emprisonné pendant six années pour «sodomie» (un crime en Malaisie) et «corruption» avant que le jugement ne soit cassé en 2004, Anwar Ibrahim a signé un spectaculaire retour en politique depuis la victoire de son parti aux législatives de mars dernier.

Malgré de nouvelles allégations de «sodomie» récemment lancées contre lui, le charismatique opposant a franchi une nouvelle étape dans sa tentative de reconquête du pouvoir: il a récupéré son siège de député à la faveur d'un scrutin local organisé mardi dans son ancien bastion de Penang (nord-ouest).

Cette élection partielle avait été convoquée après que l'épouse de M. Anwar eut laissé vacant son siège de députée.

Anwar Ibrahim, âgé de 61 ans, a juré à maintes reprises de faire tomber le gouvernement de coalition du Premier ministre malaisien Abdullah Ahmad Badawi.

Ce dernier fragilisé, a vu sa popularité chuter ces derniers mois dans un pays aux prises à des tensions ethniques croissantes, des manifestations de rue et un mécontentement social alimenté par la flambée du prix des denrées de base.

L'alliance gouvernementale, le Barisan Nasional (Front national), qui préside aux destinées du pays depuis l'indépendance de 1957, a subi une gifle aux législatives de mars. Elle a réalisé son plus mauvais score depuis 1969 échouant à recueillir la majorité des deux tiers lui permettant notamment d'amender à souhait la Constitution.

«Le Premier ministre ne dispose plus du mandat de la nation», a estimé M. Anwar qui espère faire basculer dans son camp trente parlementaires de la coalition pour former un gouvernement.

Toutefois, le ministre de l'Intérieur, Syed Hamid Albar, a minimisé les perspectives d'un brusque changement de donne politique.

«Anwar ne présente pas une menace, il a remporté une élection partielle et devient simplement un député parmi d'autres», a-t-il dit.

Les ambitions du chef de l'opposition pourraient surtout buter sur la justice qui l'a de nouveau inculpé début août pour «sodomie», des allégations qu'il réfute en dénonçant une machination du pouvoir.

Cette affaire politico-judiciaire a pris des allures de feuilleton depuis que M. Anwar s'est réfugié fin juin pendant une journée à l'ambassade de Turquie à Kuala Lumpur, affirmant redouter une tentative d'assassinat commanditée par le gouvernement.

M. Anwar réfute les accusations de harcèlement émanant d'un de ses assistants âgé de 23 ans, Mohamad Saiful Bukhari Azlan, qui a déposé plainte à son encontre.

La prochaine audience est prévue le 10 septembre. La justice de Malaisie, pays à majorité musulmane, réprime la «déviance sexuelle et les pratiques répréhensibles» par de lourdes peines d'emprisonnement.