Cheveux coupés, fraîchement rasé, le «Dr Dragan Dabic David, spécialiste en médecine douce», a retrouvé hier son aspect de Radovan Karadzic, ancien chef politique des Serbes de Bosnie accusé de génocide et arrêté à Belgrade après 13 années de cavale.

Les Serbes se passionnent pour sa vie parmi eux comme gourou nouvel âge à lunettes, barbe blanche et cheveux longs retenus en chignon. Les récits de sa capture se contredisent. Ses partisans ont manifesté hier encore à Belgrade, et les forces de sécurité ne sont pas intervenues cette fois.

Mais commentaires et analyses s'accordent sur un point: son arrestation pour être remis au Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye était une condition incontournable de l'éventuelle adhésion de la Serbie à l'Union européenne (UE).

L'inculpé de 63 ans pourrait être remis dès ce week-end ou au début de la semaine prochaine au TPIY, a annoncé un porte-parole du procureur serbe pour les crimes de guerre. Aux Pays-Bas, Olga Karvan, porte-parole du TPIY, a dit que le tribunal attendait que la procédure suive son cours à Belgrade.

Mais Vuk Jeremic, ministre des Affaires étrangères de la Serbie, n'a pas attendu pour dire que son pays «compte sur la France» pour obtenir d'ici la fin de sa présidence européenne le statut de candidat officiel à l'UE.

Prix d'entrée dans l'UE?

«L'arrestation de Karadzic a montré qu'il n'existe pas la moindre ombre sur la volonté du gouvernement de coopérer avec le TPIY, l'une des conditions à notre entrée dans l'UE», a-t-il dit dans un entretien au journal Le Monde.

Interrogé sur le paradoxe d'un rapprochement avec les pays européens qui ont pour la plupart reconnu l'indépendance du Kosovo, Jeremic a prôné «le retour de nos diplomates dans les pays de l'UE qui ont reconnu» la province serbe.

«Nous avons deux priorités absolues: l'intégration européenne et la défense de notre souveraineté sur le Kosovo», a-t-il déclaré, indiquant que Belgrade allait saisir la Cour internationale de justice (CIJ) sur le Kosovo.

Quant à Me Svetozar Vujacic, avocat de Karadzic, il a déclaré qu'il s'opposera à l'extradition de son client demain, au terme du délai de 72 heures autorisé, afin d'empêcher un transfert immédiat.

Il a ajouté que Karadzic se défendrait en personne devant le TPIY, avec l'aide de conseils juridiques, comme l'avait fait l'ancien président yougoslave Slobodan Milosevic, mort en 2006 alors que s'étirait son procès.

L'avocat a déclaré que Karadzic était en «excellente forme», «Il a très bonne allure, il s'est fait couper les cheveux et raser la barbe. Il a retrouvé son aspect d'avant, d'il y a 13 ans. Il est très combatif, il a hâte d'entamer sa lutte et espère que la vérité et la justice prévaudront», a-t-il ajouté.

Les versions divergent sur la capture du psychiatre et poète devenu pour ses victimes «le boucher des Balkans». Citant des sources allemandes, le Telegraph écrit que Karadzic a été «donné» par son acolyte militaire, le général Ratko Mladic, coaccusé de génocide par le TPIY et lui aussi en fuite depuis 13 ans.

Mais tous relèvent que Karadzic a été arrêté deux semaines après la formation d'un gouvernement serbe pro-européen à Belgrade, estimant que les autorités savaient toujours où le trouver mais qu'ils ont agi pour raison d'État. Mladic risque d'être le prochain, car l'UE réclame aussi sa tête.

Les Serbes, eux, se passionnent pour les détails de la cavale de Karadzic: outre sa nouvelle identité, il avait une maîtresse, s'était inventé une famille aux États-Unis et fréquentait un bar de Belgrade nommé The Madhouse, où une photo de lui sous sa véritable identité était accrochée au mur.