Le président zimbabwéen Robert Mugabe et le chef de l'opposition Morgan Tsvangirai ont signé lundi un accord qui les engage à négocier un nouvel ordre politique au Zimbabwe, paralysé depuis un simulacre d'élection présidentielle fin juin.

Les deux rivaux, qui ne s'étaient pas rencontrés en public depuis 1998, ont signé le document dans un hôtel de Harare aux côtés du président sud-africain Thabo Mbeki, chargé par l'Afrique australe d'une médiation au Zimbabwe.

Le protocole d'accord fixe un ordre du jour très large pour les pourparlers et un objectif de deux semaines pour trouver un accord «sincère et durable» sur un «gouvernement élargi».

Les discussions viseront à amender la Constitution «de diverses façons» en vue de l'établissement d'«un nouvel ordre politique», a précisé Robert Mugabe, 84 ans, réélu le 27 juin pour un sixième mandat à la tête de l'État dans des conditions contestées.

Qualifiant l'accord-cadre de «premier pas en avant», M. Tsvangirai, qui était arrivé en tête au premier tour de la présidentielle le 29 mars avant de se retirer de la course, a salué une «occasion historique». «Nous sommes résolus à assurer que ce processus de négociations soit couronné de succès», a-t-il promis.

M. Mbeki a pour sa part souligné que «toutes les parties du Zimbabwe admettaient l'urgence» du problème. «Ce protocole d'accord va les engager à un intense programme de travail pour finaliser les négociations aussi vite que possible», a-t-il ajouté.

Selon une source au sein de l'opposition, des négociateurs se rendront dès mardi en Afrique du Sud en vue des pourparlers.

La cérémonie, qui s'est déroulée dans une ambiance détendue, s'est conclue par une poignée de mains à forte valeur symbolique entre MM. Mugabe et Tsvangirai, rivaux acharnés depuis une décennie, en particulier depuis la réélection déjà contestée de M. Mugabe en 2002.

Le président Mugabe, qualifié de «tyran» par son rival, l'accuse régulièrement d'être une «marionnette» de l'Occident. Les forces de l'ordre ont arrêté M. Tsvangirai à plusieurs reprises et l'ont rudement passé à tabac en mars 2007.

L'enjeu du dialogue est de sortir le Zimbabwe de la paralysie née du scrutin du 27 juin : l'unique candidat Robert Mugabe, au pouvoir depuis 1980, avait été réélu au second tour de la présidentielle boycotté par l'opposition sur fond de violences.

L'opposition a - comme l'Occident - refusé de reconnaître sa réélection, tout en se disant prêt à dialoguer.

Des contacts préliminaires ont eu lieu à Pretoria il y a 10 jours entre représentants du Mouvement pour le changement démocratique (MDC, opposition) et de l'Union nationale africaine du Zimbabwe - Front patriotique (Zanu-PF, au pouvoir).

Avant de s'engager plus avant, le MDC avait demandé une médiation élargie, ne faisant pas confiance à M. Mbeki, accusé de partialité.

Vendredi, l'Afrique du Sud a semblé faire un geste en créant un «groupe de liaison» impliquant l'Union africaine (UA) et l'ONU pour «assister» la médiation du président Mbeki.

M. Mugabe a lundi chaleureusement «remercié» son homologue sud-africain pour son action «malgré les calomnies et critiques amères qui l'accusaient de ne rien faire».

Le déblocage de lundi ne doit faire oublier le fossé restant à combler avant d'atteindre un consensus politique au Zimbabwe.

Car M. Mugabe s'appuie sur les résultats du 27 juin pour justifier son maintien à la tête de l'exécutif. Le MDC, lui, se fonde sur sa victoire au scrutin du 29 mars: outre l'avance de Tsvangirai à la présidentielle, le parti avait raflé le contrôle du Parlement.

Autre écueil: le climat de violence, qui poussa le chef du MDC à se retirer de la présidentielle. L'opposition, qui avance le chiffre de 120 morts parmi ses sympathisants depuis fin mars, assure que les attaques continuent.

La crise politique se double d'un effondrement économique: le Zimbabwe, cité dans les années 80 en exemple de stabilité, est rongé par la pauvreté, avec une inflation à 2,2 millions pour cent par an, selon des chiffres officiels sans doute sous-évalués.