Après avoir couvert le conflit russo-géorgien du côté russe, notre collaborateur Frédérick Lavoie est arrivé hier à Tbilissi. La capitale géorgienne est paisible, mais à ses portes, c'est la confusion. Les Russes disent retirer leurs troupes comme prévu. Les Géorgiens affirment le contraire.

«Ici, il n'y a pas de panique.» Assis devant l'Université théâtrale Roustaveli, dans la rue du même nom, Pesik Tchikadze amasse des dons pour les réfugiés venus d'Ossétie-du-Sud.

Pour convaincre les passants de laisser tomber un lari (75 cents) dans la boîte transparente, l'acteur étudiant et son camarade David Pipiya ont installé un projecteur présentant des images de chars russes en territoire géorgien sur un petit écran en toile.

S'ils se préoccupent du sort des réfugiés, les deux jeunes hommes reconnaissent qu'à Tbilissi, la vie suit son cours normal. «Les banques fonctionnent, tout va bien», dit David.

Pas de coupure de courant, ni de pénurie. Sur l'avenue Roustaveli, l'artère principale de la ville, les couples se promènent, les hommes, vieux et jeunes, flânent, grillent une cigarette et argumentent à la caucasienne. Comme d'habitude. Comme si de rien n'était.

Pendant ce temps, à quelques dizaines de kilomètres à peine de la capitale, les chars d'assaut russes font du va-et-vient. Hier soir, les informations les plus contradictoires provenaient des deux belligérants à propos du départ prévu des troupes russes en Géorgie, annoncé la veille par le président russe Dmitri Medvedev.

À Igoëti hier après-midi, des chars russes ont forcé un barrage de véhicules de police. Selon les Géorgiens, les Russes auraient aussi miné des ponts dans le centre et l'ouest du pays, en plus de faire exploser des baraquements de la base militaire de Senaki, non loin de la république autoproclamée d'Abkhazie.

Le gouvernement de Tbilissi est catégorique: les Russes ne quittent pas leur territoire comme prévu. De ce fait, ils «violent gravement les conditions de l'accord de paix.»

Faux, répondent les accusés, qui assurent procéder au retrait de leur armée.

À différents endroits dans le pays hier, des journalistes de l'Agence France-Presse ont pourtant constaté que les troupes russes soit campaient sur leurs positions, soit s'enfonçaient carrément encore plus profondément en territoire géorgien.

Négociations possibles

Signe d'apaisement, quoique minime, le président géorgien Mikheïl Saakachvili a appelé la Russie à «négocier sur la manière d'éviter un divorce définitif entre (les) deux pays.» Mais pas question de le faire avant un retrait des troupes russes.

De l'autre côté de la frontière, le président russe, en visite à Vladikavkaz, en Ossétie-du-Nord, s'est montré quant à lui très dur envers son homologue, utilisant un langage cru qui lui est peu habituel. Selon Dmitri Medvedev les événements des derniers jours ont montré «qu'il y a de nos jours des monstres politiques, prêts à tuer () à compenser leur propre médiocrité par l'extermination de tout un peuple».

Il a également promis une «riposte foudroyante» contre tous ceux qui tenteraient à nouveau d'attaquer des citoyens ou des soldats des forces de maintien de la paix russes.

À Washington, un porte-parole de la Maison-Blanche, Gordon Johndroe, a réitéré l'appel de son président à un retrait «sans délai» des troupes russes.

À Tbilissi, David et Pesik ne s'inquiètent pas trop pour l'avenir. «Nous allons bientôt être libres», croit Pesik. «Quand nous entrerons dans l'OTAN, ce seront des soldats de l'OTAN qui seront à la place des Russes», ajoute David.