La guerre éclair dans la république séparatiste géorgienne d'Ossétie-du-Sud, à la source de l'actuel bras de fer entre la Russie et la Géorgie dans la région, a attisé la colère et le ressentiment. Certains gardent tout de même espoir que la réconciliation est possible, a constaté notre collaborateur sur le terrain.

«Toutes les guerres finissent en paix.» Le conflit russo-géorgien en Ossétie-du-Sud n'a pas terni l'optimisme de Robert Tsindeliani. Il n'a ni peur ni honte d'être un Géorgien habitant chez les Ossètes de Russie.

Le président d'Ertoba nous reçoit dans le minuscule bureau de cet organisme communautaire, dont sont membres une partie des quelque 10 000 Géorgiens habitant la capitale de l'Ossétie-du-Nord, Vladikavkaz.

S'il se permet d'être confiant, c'est qu'à son avis les vrais responsables de l'attaque géorgienne ne se trouvent pas à Tbilissi, la capitale de la Géorgie, mais à Washington. «Saakachvili (le président géorgien) n'est que l'exécutant. C'est Bush, ce sont les Américains qui ont fait ça!» s'emporte-t-il. «Les États-Unis ont profondément fait mal à la Géorgie.»

À son avis, si le peuple géorgien ne s'est pas encore révolté contre le gouvernement de Mikheïl Saakachvili, c'est qu'il est «désinformé» par la propagande.

État de choc

M. Tsindeliani ne croit pas non plus que les soldats géorgiens ont pu commettre consciemment des exactions contre des civils, comme le leur reprochent les autorités russes. «Ils ont été drogués, c'est ce que j'ai lu sur l'Internet», soutient-il.

Contrairement aux Sud-Ossètes rencontrés la veille par La Presse dans leur capitale détruite Tskhinvali, M. Tsindeliani croit que la réconciliation entre Ossètes et Géorgiens est possible. «Après ce qui est arrivé, les gens sont dans un état de choc. Si vous aviez demandé (aux Ossètes) ce qu'ils pensaient (des Géorgiens) avant le conflit, leur discours aurait été différent», estime-t-il.

M. Tsindeliani veut travailler au rapprochement des peuples ossète, géorgien et russe, «tous des chrétiens» orthodoxes. À plusieurs reprises durant l'entrevue, il répète que la guerre n'a pas créé de tension ou de violence entre les communautés de Vladikavkaz.

Lors de notre passage dans le local vieilli d'Ertoba, situé dans la Maison de l'amitié, avenue de la Paix, des bénévoles géorgiens s'affairaient à trier des vêtements offerts au cours des derniers jours. «C'est pour les réfugiés ossètes», lance Tamara Maïsouradze, l'une des volontaires, qui a écourté ses vacances pour venir prêter main-forte.

Celles qui souffrent le plus

Parmi les bénévoles, l'institutrice Lali Kavtaradze, 47 ans, est la seule à éprouver un certain malaise en raison de son origine. «Pour la première fois en 25 ans d'enseignement, j'ai honte. Ce sera difficile de regarder les enfants dans les yeux lorsque les classes recommenceront le 1er septembre. Je sens que j'aurai toujours besoin de me justifier, de m'excuser des actions du gouvernement géorgien.»

Les autorités craignent peut-être plus les tensions que les citoyens eux-mêmes. La tentative de La Presse pour se rendre dans un village à majorité géorgienne en Ossétie-du-Nord, à une trentaine de kilomètres de la frontière géorgienne, s'est soldée par un bref interrogatoire de la police.

Après avoir été refoulés par des policiers à un poste de contrôle gardé par des tanks à Verkhnaïa Balta, sous motif qu'une permission spéciale était nécessaire pour se rendre près de la zone frontalière, nous sommes revenus dans le village précédent, Nijnaïa Balta. Une personne brièvement interviewée a appelé les autorités pour signaler nos recherches de citoyens d'origine géorgienne.

«Qu'est-ce que vous faites? Vous êtes en train de faire peur à tous les habitants! Ils ne veulent plus sortir de chez eux maintenant!» ont crié les policiers en interrompant une entrevue avec une femme d'origine arméno-géorgienne, sur le bord de la route principale. «Je m'en fais pour eux (Ossètes) et pour les nôtres (Géorgiens)», a eu le temps de nous dire Ira, âgée dans la quarantaine. «C'est très dur (ce conflit) pour les familles au sang mélangé comme la mienne. Ce sont elles qui souffrent le plus.»

Après un sermon au poste de police sans fondement légal clair, le représentant de La Presse et un journaliste américain ont pu reprendre la route de Vladikavkaz.