Le chef des maoïstes du Népal, Prachanda, a été élu vendredi premier ministre de la jeune République, deux mois après l'abolition de la monarchie et le départ du roi, une nouvelle étape historique du processus de paix de ce pays de l'Himalaya.

Le triomphe de Prachanda, désigné par la majorité écrasante de l'assemblée constituante, consacre une incroyable histoire politique de deux ans au cours de laquelle les Népalais ont mis fin à la guerre civile, porté au pouvoir l'ex-rébellion maoïste et enterré plus de deux siècles de monarchie hindouiste en la remplaçant par une République.

«Je suis très heureux et très ému», a simplement lancé Prachanda en quittant l'assemblée. L'ancien chef de guerre portait des dizaines de guirlandes de fleurs orange et de châles en soie. Son front était enduit de poudre rouge en signe de bénédiction.

Prachanda «le Redoutable» a été désigné par 464 parlementaires contre 113, a précisé Subash Nemwang, président de cette assemblée constituante élue le 10 avril, dominée par les maoïstes avec plus du tiers des sièges et chargé de rédiger une Constitution républicaine.

Les parlementaires maos ont laissé éclater leur joie et ont tapé sur leurs pupitres à l'annonce des résultats. Beaucoup sont allés féliciter leur nouveau premier ministre.

À 53 ans, Prachanda, un temps recherché pour terrorisme, a réussi en une décennie à éliminer la royauté népalaise et à devenir premier ministre d'un régime républicain inédit proclamé le 28 mai.

De son vrai nom Pushpa Kamal Dahal, il a passé 25 ans dans la clandestinité, dont dix à mener la lutte armée dans les maquis et les montagnes. Sa «guerre du peuple» de février 1996 à novembre 2006 a fait 13.000 morts et mis à genoux l'économie de ce pays himalayen enclavé entre l'Inde et la Chine.

«Le Népal voit poindre une aube dorée. Nous avons déjà fini d'arracher les racines du féodalisme: l'institution monarchique, vieille de 240 ans», s'est félicité le numéro deux maoïste, Baburam Bhattaraï.

«Sous la direction de Prachanda, le grand programme du nouveau gouvernement sera le nationalisme, le républicanisme et la transformation socio-économique», a plaidé l'ancien révolutionnaire d'extrême gauche.

La classe politique ne parvenait pas à s'entendre sur l'architecture du gouvernement depuis la victoire électorale des maoïstes et le départ en juin du «dieu-roi» honni Gyanendra de son palais de Katmandou.

Les maoïstes ont finalement scellé un pacte avec le Parti communiste du Népal marxiste-léniniste unifié (centre-gauche), qui dispose de 108 sièges. «Nous aurons une majorité des deux-tiers pour conduire le gouvernement», a assuré Prachanda.

Son unique rival pour le poste de premier ministre était Sher Bahadur Deuba, chef du gouvernement à trois reprises quand le vieux parti du Congrès népalais (centriste) dominait.

Il a «félicité les maoïstes pour leur entrée dans la politique multipartite», tout en prévenant que «dans l'opposition nous garderons un oeil sur l'action gouvernementale maoïste pour nous y opposer si elle vire à l'autocratie».

Le scénario politique au Népal où les chapitres s'enchaînent sans violences a commencé à s'écrire au printemps 2006: tous les partis s'étaient alliés aux maoïstes dans des manifestations démocratiques, obligeant le roi Gyanendra à renoncer au pouvoir absolu qu'il s'était arrogé en février 2005.

Le 21 novembre 2006, ces forces politiques avaient scellé un accord de paix historique.

Mais malgré le sacre par les urnes des maoïstes, les États-Unis continuent de les faire figurer sur une «liste d'exclusion terroriste». Ils se sont cependant engagés à «travailler» avec le nouveau régime. L'Union européenne et le Japon, donateurs du Népal, ont salué la «fin d'une période d'incertitude» et souhaité «la poursuite du processus de paix».