C'est une stèle de marbre rose et gris posée au pied d'un sapin d'un cimetière de Berlin. Inaugurée jeudi, elle est dédiée à tous les petits êtres morts-nés, peu importe à quel stade de la grossesse, et censée aider les parents à faire leur deuil.

«Et quand tu seras consolé, tu seras content de m'avoir connu»: une phrase du «Petit Prince» d'Antoine de Saint-Exupéry est gravée dans le socle du monument en forme de disque, oeuvre d'une sage-femme et sculptrice, Marianne Leisegang.

Sur la pelouse alentour, au cimetière Luisenkirchhof III dans l'ouest de la capitale allemande, des parents endeuillés ont déposé des peluches, quelques petits jouets, des bouquets et des moulins à vent multicolores.

Sous la pelouse se trouvent des urnes, et en surface s'alignent une soixantaine de tombes minuscules, pour la plupart celles d'enfants morts à la naissance, celles de Sophie, Joshua et Dennis et d'autres sans nom.

Pour ceux qui ne pesaient que 200 ou 400 grammes, ces foetus longtemps traités en simples déchets de bloc opératoire, le groupe hospitalier DRK Kliniken à l'origine de la stèle propose depuis une dizaine d'années des funérailles collectives. Deux fois par an, une trentaine de couples environ font incinérer ensemble ceux qu'ils considèrent comme leurs «enfants» morts même si la loi ne les reconnaît pas forcément comme tels.

La loi allemande n'oblige à faire des funérailles à un enfant qu'à partir d'1 kg. En-dessous, c'est à la libre appréciation des parents, et très peu de cimetières les organisent.

500 grammes, 1 kilo, 2 kilos, autant de «calculs» discriminatoires, s'est indigné jeudi le pasteur Peter Paul Wentz en inaugurant la stèle, car chaque grossesse «crée de la joie et de l'espoir chez les parents et les proches».

Et quand survient la mort, «la douleur des familles n'a rien à voir avec le poids» de l'être décédé, renchérit le Pr. Heribert Kentenich, médecin-chef à la maternité Westend du DRK Kliniken, un groupe public affilié à la congrégation des soeurs de la Croix-Rouge allemande.

«Le deuil, c'est tout un processus», dit le Pr Kentenich. «Il est bon pour ces familles d'avoir un endroit où se recueillir», même si la gestation de l'enfant n'a duré que «4, 5 ou 6 semaines» et qu'il n'y a ni inscription à l'état-civil, ni existence légale en tant que personne.

Il en va ainsi dans la plupart des pays: en-dessous d'un certain seuil, souvent celui de 500 grammes ou 22 semaines d'aménorrhée (sans règles), un foetus n'obtient aucune reconnaissance sur le papier, même symbolique.

La France vient de changer sa législation pour autoriser l'inscription symbolique à l'état-civil des foetus morts-nés entre 16 et 22 semaines de gestation.

«J'ai perdu l'an dernier un bébé à 19 semaines de grossesse», témoigne Kirsten, 38 ans et enceinte de sept mois. «C'était très dur parce qu'à ce stade, j'ai dû réellement accoucher» de cet enfant sans vie, dit-elle, les larmes aux yeux. Il a été incinéré avec d'autres en novembre 2007.

Quand c'est possible, le DRK offre aux parents une empreinte de pied ou de main de leur enfant mort. Sur internet, des mères discutent de leur peine. Des associations organisent des séminaires de «gestion du deuil périnatal».

La souffrance de ces parents peut rester «insurmontée pendant des années», souligne Angela Kijewski, porte-parole du DRK. «Pour certaines femmes qui ont eu beaucoup de mal à être enceintes, une fausse couche à six semaines, c'est la mort d'un enfant mais aussi la mort de l'espoir».