Au moment où le Parlement s'engageait à le destituer, l'ex-général putschiste Pervez Musharraf a démissionné hier de son poste de président du Pakistan. Le premier ministre Yusuf Raza Gilani a aussitôt félicité la nation pour «la fin de la dictature et l'aube de la démocratie».

Musharraf a remis sa démission au président de l'Assemblée nationale. L'intérim sera assuré par le président du Sénat, Mohammedmian Soomro. Un collège des élus fédéraux et provinciaux désignera son successeur.

Les Pakistanais sont descendus dans les rues pour fêter ce départ en distribuant des sucreries. Des cris de joie ont retenti dans toutes les grandes villes au coeur de rassemblements organisés pour écouter son discours.

«La nation est heureuse», hurlait Saba Gul, étudiant de Lahore, dansant dans les ruelles de la vieille ville. À Peshawar, grande ville du Nord-Ouest près des zones tribales où l'armée combat les talibans et Al-Qaeda, des tirs de kalachnikov ont ponctué les chants hostiles à Musharraf.

«Adieu au Pakistan»

L'ex-général, qui s'accrochait à son poste, a dit «Adieu le Pakistan» à la fin d'un long discours télévisé en ourdou, consacré à la défense de ses neuf années au pouvoir, et ponctué de suspense et de formules-chocs.

L' «adieu au Pakistan» a été interprété comme un éventuel départ en exil, ce que ses collaborateurs ont nié. «Son exil aux États-Unis n'est pas sur la table», a dit la secrétaire d'État, Condoleezza Rice. L'Arabie Saoudite est aussi mentionnée.

L'auteur du coup d'État de 1999 contre le gouvernement élu de Nawaz Sharif a maintenu que les accusations contre lui étaient «fausses», mais qu'il se retirait parce qu'il a toujours mis «le Pakistan d'abord» et voulait éviter au pays «une longue crise déstabilisatrice».

«Son départ est un bon débarras et donne à la démocratie sa meilleure chance de prendre racine au Pakistan», a dit à La Presse Zahir Khan, gérant financier de Montréal et porte-parole à l'étranger du Parti du peuple pakistanais (PPP).

«Il a mis le Pakistan dans le pétrin. Son départ permet au pays d'éviter une crise prolongée. Mais dans l'intérêt de la démocratie, il doit rendre compte de sa gestion devant les tribunaux», a estimé Mubasshar Rasool, patron d'un magasin de vidéo actif en politique municipale dans Parc-Extension.

Coalition renforcée

L'entente sur la mise en accusation de Musharraf a rapproché le PPP, parti du premier ministre Gilani, de la Ligue musulmane (PML-N) de Nawaz Sharif. Celui-ci avait quitté la coalition pour obtenir la destitution de l'ex-général et le retour des juges congédiés en novembre.

«Votre Parlement est désormais souverain», a lancé Gilani dans un vibrant discours à l'Assemblée nationale. Rappelant les sacrifices consentis (des milliers de victimes du terrorisme, l'exil des chefs politiques et l'assassinat de l'ancienne première ministre Benazir Bhutto), il a déclaré: «On est fiers aujourd'hui de notre démocratie, de notre Constitution et de notre État de droit.»

Il a proposé une commission Vérité et Réconciliation, et l'abandon des articles de la Constitution par lesquels Musharraf s'était octroyés les pleins pouvoirs, dont celui de révoquer les gouvernements et les juges, et de dissoudre le Parlement. «Le pays peut maintenant tracer son propre destin», a-t-il dit.

«Après l'assassinat de ma mère fin décembre, j'avais dit, en la citant, que la démocratie était la meilleure vengeance. En voici la preuve», a dit son fils Bilawal Bhutto Zardari, à une télévision pakistanaise d'Oxford où il étudie.

Avec AFP, AP, Reuters, Daily Times, Dawn, Times Of India, CNN Et VOA