Divisés sur le degré de fermeté à adopter face au puissant voisin russe, les dirigeants des 27 États-membres de l'Union européenne réunis lundi à Bruxelles tenteront de trouver une réponse efficace à l'intervention de Moscou en Géorgie, tout en essayant de ne pas trop étaler leurs divergences face à cette crise.

La Russie, condamnée en Europe pour avoir reconnu l'indépendance des deux provinces séparatistes géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud, continue de bafouer l'accord de cessez-le-feu signé grâce à l'intervention du président du Conseil en exercice Nicolas Sarkozy, notamment en maintenant des troupes à l'intérieur du territoire géorgien. Les militaires sont aussi accusés de dissuader les réfugiés géorgiens de rentrer chez eux.

La plupart des dirigeants européens s'accordent pour demander une réaction «ferme» du Conseil européen extraordinaire convoqué par la présidence française. Mais à l'est de l'Union, plusieurs des pays qui ont connu la tutelle de l'URSS, en particulier la Pologne, les trois États baltes, mais aussi la Grande-Bretagne et la Suède, prônent des sanctions contre Moscou.

Pour eux, il faut que l'UE marque sa volonté de faire respecter ses principes sur le terrain et qu'elle évite le risque de passer pour impuissante dans son voisinage immédiat. «J'attends lundi un signal clair», déclare ainsi le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier dans l'édition dominicale du Frankfurter Allgemeine Zeitung.

A Bruxelles, certains diplomates imaginent déjà des possibles rétorsions lors des prochaines réunions bilatérales et glissent que la Commission a été chargée d'en dresser l'inventaire. La plus importante sera celle portant sur l'accord de partenariat stratégique, prévue les 15 et 16 septembre.

Mais Paris, qui a placé l'UE en première ligne en intervenant dans cette crise, a par avance écarté toute sanction. L'Élysée préfère une ligne «d'équilibre», entre une condamnation ferme de l'attitude russe, un soutien à la Géorgie et la nécessité de poursuivre le dialogue avec Moscou et Tbilissi. L'idée est d'obtenir avant tout une application totale de l'accord de cessez-le-feu, négocié avec l'aide du président en exercice du Conseil européen Nicolas Sarkozy.

Pour cela, il faudrait que les militaires russes se retirent et que Moscou accepte de discuter dans un cadre international de l'avenir des deux provinces.

Pour faire avancer les choses, l'UE pourrait annoncer sa disponibilité à envoyer des observateurs civils, pour renforcer l'actuelle mission de l'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en Ossétie du Sud. Les dirigeants européens devraient aussi débattre de la nomination d'une personnalité «chargée de piloter la gestion au jour le jour de ce dossier», rapporte l'Élysée.

Mais tant que l'accord du 15 août n'est pas totalement appliqué, «la relation avec la Russie sera en observation», explique-t-on à l'Élysée. Une concession aux plus «durs» des Européens, mais aussi une façon de laisser la balle dans le camp de la Russie, invitée à revenir à des positions plus sages. Un raidissement de la position européenne pourrait intervenir au moment du sommet UE-Russie, prévu le 14 novembre prochain à Nice, menace aussi la présidence française.

Pour justifier sa position plus tempérée, la France a insisté ses derniers jours pour rappeler à ses partenaires la forte dépendance énergétique de l'UE. La Russie fournit environ un tiers du pétrole et 40% du gaz naturel consommés par les Vingt-Sept et n'a pas hésité par le passé à interrompre ses livraisons pour faire pression sur ses voisins.

Reste que Nicolas Sarkozy aura certainement fort à faire pour rallier ses interlocuteurs autour du «message clair et uni» qu'il veut envoyer à la Russie. L'enjeu est «crucial», note-t-il dans l'invitation adressée à ses homologues, alors que son entourage explique déjà qu'il serait «normal» de voir les différentes délégations faire une lecture contradictoire du texte adopté.

Renforcer le soutien européen à la Géorgie semble plus aisé. A l'aide humanitaire déjà engagée, les 27 pourraient ajouter une aide économique et financière plus importante, annonce Paris.