À la Nouvelle-Orléans, où les habitants évacuaient la ville dimanche avant l'arrivée de Gustav, ce sont ceux qui peinent encore à se remettre du passage de l'ouragan Katrina voici trois ans tout juste qui restent les plus vulnérables.

Presque chaque bâtiment des bourgs de la paroisse de St. Bernard, à l'est de la Nouvelle-Orléans, a été endommagé ou détruit quand les digues protégeant le secteur ont cédé au passage de l'ouragan Katrina.

Sur une pancarte dans le port de Chalmette, on peut lire: «Soyez positifs, St. Bernard». Mais après trois ans passés dans un mobile-home donné par le gouvernement, Beth Basile a du mal à avoir cette attitude. Alors qu'elle était à un mois de savoir si une aide allait lui être attribuée, pour refaire le sol et remplacer les murs de sa maison, l'ouragan Gustav s'est annoncé. Et tandis qu'elle se prépare à évacuer, elle se demande s'il va lui rester quelque chose...

«Si c'est comme Katrina, ils pourraient ne pas nous laisser rentrer», redoute cette caissière de supermarché âgée de 52 ans, les yeux cernés et remplis d'inquiétude. «Ils pourraient boucler tout le quartier avec une clôture et dire 'allez voir ailleurs'».

Environ un million de personnes vivant le long du Golfe du Mexique sont parties samedi, à l'annonce de l'arrivée de Gustav. Le maire de la Nouvelle-Orléans Ray Nagin a ordonné l'évacuation obligatoire de la ville. D'après les prévisions, si l'ouragan suit sa trajectoire actuelle, il devrait atteindre lundi les côtes de la Louisiane en leur centre, évitant à la ville d'être directement frappée. Mais il est toujours trop tôt pour dire précisément où il va passer.

Trois ans après Katrina, la paroisse de St. Bernard offre un patchwork de maisons rénovées, de mobile-homes et de pans de murs abandonnés. L'une d'elle porte encore une grande croix rouge bombée par les secouristes après Katrina.

Le quartier de Lower 9th Ward est devenu le symbole de tout ce qui n'allait pas après Katrina: des habitants pauvres, dont beaucoup ne pouvaient pas s'en aller par leurs propres moyens, abandonnés. Quand l'eau est montée, la plupart ont trouvé refuge sur leur toit et ont dû être récupérés par les secours pour être mis en sécurité.

Peter Scott était l'un de ceux-là. Cette fois, cet homme de 31 ans a quitté sa maison dès 7h du matin vendredi, se rendant à la gare pour être évacué. «Je n'ai pas de voiture. J'ai dû venir avec mes voisins», a-t-il expliqué. «Mais je n'allais certainement pas attendre sur place. Pas après Katrina. Ces choses-là peuvent être meurtrières, nous le savons maintenant. Il faut être fou pour ne pas s'en aller pendant qu'il est encore temps».

Ces histoires tourmentées sont celles de tous les habitants qui vivent le long du Golfe du Mexique. Dans le Mississippi voisin, Scott et Caroline Sundberg auraient dû réintégrer leur maison dans moins d'un mois. Sous la menace de Gustav, ils se préparent désormais à suspendre les travaux de rénovation, empiler en bas le matériel de construction et partir se mettre à l'abri avec leur mobile-home. Ingénieur, M. Sundberg avait construit l'une des rares maisons de front de mer qui n'a pas été complètement abattue par Katrina. Le couple était resté chez lui pendant l'ouragan, mais ne fera pas la même erreur avec Gustav.

Scott Sundberg a reconstruit une bonne partie de sa maison tout seul, mais il a quand même eu besoin de l'aide d'un expert. Et avec la pénurie de main-d'oeuvre engendrée par Katrina, il lui a fallu trois ans pour restaurer ce qui avait été détruit. «C'est pour cela que j'hésite autant à tout abandonner», affirme-t-il.

Les digues de la paroisse St Bernard ont été largement reconstruites, mais Beth Basile a toujours du mal à leur faire confiance. Après tout, les anciennes digues étaient supposées résister à un ouragan de force 3. Après Katrina, avec sa famille, elle a passé «23 semaines et trois jours» dans une chambre d'hôtel, à plus de 500km de la Nouvelle-Orléans. Et n'est pas prête à revivre ça.

«Il faut que l'ouragan passe plus loin», dit-elle, des sanglots dans la voix. «Nous avons suffisamment payé. Je sais que c'est égoïste, mais c'est comme ça».