La jeune République du Népal s'est dotée vendredi d'un gouvernement de coalition dirigé par l'ancien chef de la rébellion maoïste, trois mois à peine après l'abolition de la monarchie et moins de deux ans après la fin de la guerre civile.

Ce gouvernement conduit par le premier ministre maoïste Prachanda consacre un incroyable processus politique amorcé en 2006: depuis, les Népalais vivent en paix, ont porté au pouvoir les ex-insurgés maos et enterré deux siècles de monarchie en la remplaçant par une République proclamée le 28 mai dernier.

Au terme de semaines de tractations, le Parti maoïste, le Parti communiste du Népal marxiste-léniniste unifié (PCN-MLU, centre-gauche) et un groupe politique ethnique du Sud, le Madheshi Janaadhikar Forum, ont formé dans la soirée le tout premier gouvernement républicain du pays.

Lors d'une prestation de serment animée par Prachanda, les ministres se sont engagés «à rester fidèles à la Nation et à (leurs) concitoyens».

Seul accroc, les membres du PCN-MLU n'ont pas prêté serment à cause d'un désaccord sur le nom du vice premier ministre. Tout devrait être réglé après le voyage ce week-end de Prachanda à Pékin pour la clôture des Jeux olympiques et un entretien avec le président Hu Jintao, a assuré le porte-parole maoïste Krishna Bahadur Mahara.

Les maoïstes héritent des ministères de la Défense et des Finances tandis que le PCN-MLU s'empare de l'Intérieur. Les Affaires étrangères reviennent au Forum Madheshi.

«Il y a une bonne atmosphère autour de cette coalition (...) Nous avons confiance les uns envers les autres et pensons qu'ensemble nous atteindrons nos objectifs», a dit à l'AFP le chef du PCN-MLU, Bishnu Poudel.

Ce gouvernement sonne comme un sacre pour l'ancien chef de guerre Prachanda, alias «le Redoutable», élu premier ministre le 15 août par la majorité écrasante d'une assemblée constituante sortie des urnes le 10 avril et dominée par son parti maoïste.

À 53 ans, Prachanda, de son vrai nom Pushpa Kamal Dahal, a passé 25 ans dans la clandestinité, dont dix à diriger la lutte armée dans les maquis et les montagnes. Sa «guerre du peuple» de février 1996 à novembre 2006 a fait 13 000 morts et mis à genoux l'économie de ce pays pauvre de l'Himalaya enclavé entre l'Inde et la Chine.

Mais cet instituteur de la haute caste hindoue des brahmanes, devenu révolutionnaire d'extrême-gauche avant de se muer en homme politique modéré, a réalisé son rêve non par les armes mais par les urnes: il a renversé l'unique monarchie hindouiste du monde, qu'il jugeait «féodale», pour lui préférer une République «fédérale, démocratique et laïque».

Outre la rédaction d'une Constitution républicaine, le gouvernement Prachanda a promis une réforme agraire et aura la lourde tâche d'intégrer dans l'armée nationale les 20 000 ex-combattants maoïstes, lesquels ont été cantonnés et désarmés sous le contrôle de l'ONU.

Malgré le triomphe des maoïstes, les États-Unis continuent de les faire figurer sur une «liste d'exclusion terroriste». Washington s'est cependant engagé vendredi dernier à «travailler» avec ce régime inédit à Katmandou.

Le scénario de cette «révolution» au Népal, où les chapitres s'enchaînent sans violences, a commencé à s'écrire au printemps 2006: tous les partis s'étaient alliés aux maoïstes dans des manifestations démocratiques, obligeant le roi Gyanendra à renoncer au pouvoir absolu qu'il s'était arrogé en février 2005.

Le 21 novembre 2006, ces forces politiques avaient scellé un accord de paix historique. Les maoïstes avaient ensuite participé à un gouvernement intérimaire en 2007, avant de rafler 40% des sièges de l'assemblée constituante et de chasser en juin de son palais de Katmandou le «dieu-roi» honni Gyanendra.