La gueule patibulaire, le fusil en bandoulière, des Russes, soldats ou «volontaires», gravissaient vendredi par centaines, juchés sur des tanks, en camions ou autobus, le col qui relie l'Ossétie du Nord (Russie) à l'Ossétie du Sud (Géorgie).

Et ils sont les bienvenus en entrant dans cette région séparatiste, autoproclamée indépendante au lendemain de la chute de l'URSS et que la Géorgie tente aujourd'hui de reconquérir par la force.

«L'Ossétie unie, ensemble avec la Russie et Poutine !», proclame un slogan peint sur un mur, le long de la route qui serpente dans les superbes montagnes du Caucase vers le coeur de la république indépendantiste.

Des dizaines de chars lourds et camions de toutes sortes, transportant troupes, munitions, matériel, se succèdent sur la route.

Nombre d'entre eux sont garés à des «check point» improvisés près des endroits sensibles, points frontière ou entrées de tunnel, où se tient aussi une petite foule visiblement nerveuse d'hommes en uniformes ou treillis. D'autres enfin attendent dans des camps de réserve dans la vallée, côté russe, l'ordre de monter.

Ce manège a déjà duré toute la nuit précédente et la journée de vendredi, indique un habitant, qui se dit incapable d'évaluer combien de troupes russes sont déjà entrées en Ossétie.

«Bien sûr que je suis content» de l'arrivée de l'armée russe, témoigne Albert, 37 ans, un habitant de Djava, village à quelque 25 kilomètres de Tskhinvali, la «capitale» de l'Ossétie du Sud. «Il ne doit y avoir qu'une seule Ossétie, nous voulons vivre avec nos frères», souligne-t-il.

«Un jour ou l'autre, il faut régler le problème», lâche-t-il lorsqu'il se voit demander si le statu-quo tendu qui prévalait jusqu'ici entre Tbilissi et Tskhinvali ne valait pas mieux qu'une véritable guerre.

A présent, tous se préparent fébrilement à cette guerre: le long de la route, des militaires rassemblent des feuilles d'arbres destinées au camouflage d'un énorme tank. Des partisans en treillis armés de fusils d'assaut s'affairent autour de leurs jeeps, hurlent dans leurs téléphones.

Selon un habitant de Vladikavkaz, la grande ville russe la plus proche de la frontière, ils seraient des milliers à arriver en Ossétie, lourdement armés et prêts à en découdre avec les Géorgiens. Le plus gros contingent viendrait d'Abkhazie, autre région séparatiste géorgienne, dont la situation est comparable à celle de l'Ossétie du Sud.

De fait, des dizaines d'autobus visiblement mis à leur disposition par les autorités russes étaient visibles, garés le long de la route près de Vladikavkaz.

Sur la route, le trafic est à peine moins dense dans l'autre sens, où les bus de réfugiés en direction de la Russie se suivent à un rythme rapide. Enfants, femmes et babouchkas venus des parties d'Ossétie du Sud déjà en proie aux combats vont trouver refuge, souvent chez leurs proches, en Ossétie du Nord.

A Djava, où les magasins sont fermés et l'électricité est coupée, on s'organise aussi: certains montent à bord des bus pour la Russie. D'autres prennent le maquis, tel ce jeune homme porteur d'un énorme fusil, au grand désespoir de son père: «Qui a besoin de cette guerre ? Combien de temps vit un homme ?» se lamente-t-il.