La reconnaissance mardi par la Russie de l'indépendance des républiques séparatistes géorgiennes d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud s'est heurtée à un front des pays occidentaux qui, à l'instar de Tbilissi, ont condamné une violation «inacceptable» du droit international.

Les dirigeants des deux territoires séparatistes ont salué la décision du Kremlin.

«C'est un jour historique pour notre peuple», a déclaré le président abkhaze Sergueï Bagapch, d'ores et déjà prêt à signer avec la Russie des accords militaires.

«La Russie nous a sauvés d'un génocide», lui a fait écho le président ossète Edouard Kokoïty, disposé quant à lui à accueillir une base militaire russe.

Sans surprise, le ton était à l'opposé en Géorgie, dont le président Mikheïl Saakachvili a dénoncé une décision «totalement illégale», accusant Moscou de vouloir changer «les frontières de l'Europe par la force». S'engageant à lutter «pacifiquement» contre le «mal» pour rétablir l'intégrité territoriale de la Géorgie, il a appelé l'Union européenne (UE) et l'OTAN à accélérer son intégration.

Malgré l'appel du président Dmitri Medvedev, qui a demandé aux «autres États» de «suivre son exemple», les dirigeants occidentaux ont rejeté d'une même voix l'attitude russe.

Le président américain George W. Bush a qualifié cette décision «d'irresponsable» avertissant Moscou qu'il devait la «reconsidérer».

L'UE a «condamné fermement cette décision (...) contraire aux principes d'indépendance, de souveraineté et d'intégrité territoriale de la Géorgie». La présidence française de l'UE, qui consulte ses partenaires afin de parvenir à une position commune au sommet extraordinaire de lundi, «appelle de ses voeux une solution politique des conflits en Géorgie».

Paris a exprimé la même position. «Nous condamnons fermement cette attitude», a déclaré le chef de sa diplomatie Bernard Kouchner.

L'Allemagne et la Grande-Bretagne ont aussi déploré une décision «inacceptable».

Pour la chancelière allemande Angela Merkel, elle «contredit le principe d'intégrité territoriale, un principe fondamental du droit international des peuples».

Cet acte est «injustifiable et inacceptable» également pour le gouvernement britannique, dont le ministre des Affaires étrangères David Miliband, qui le dit «voué à l'échec», se rendra mercredi en Ukraine «pour former la coalition la plus large possible contre l'agression russe en Géorgie».

Plusieurs dirigeants internationaux se sont inquiétés des conséquences de cette reconnaissance.

«Les événements d'aujourd'hui pourraient avoir des implications plus larges pour la sécurité et la stabilité dans le Caucase», a ainsi affirmé le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon.

«Cette décision aura des conséquences sur les relations de la Russie avec le reste du monde», a aussi averti le premier ministre suédois Fredrik Reinfeldt, appelant à un «retrait total des troupes russes» de Géorgie.

Evoquant une «balkanisation sur une base ethnique du Caucase», le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini a lui mis en garde contre «un grave danger pour nous tous». «Inquiet», le Japon a de son côté demandé à la Russie «des actes responsables pour la sécurité de la région».

Le Canada s'est dit «extrêmement préoccupé» et appelé Moscou à «réévaluer» sa décision.

De nombreux pays européens de l'ancien bloc soviétique ont aussi exprimé leurs préoccupations sur cet «acte unilatéral regrettable et dépourvu de toute base légale», selon les termes de la Roumanie.

Le ministère serbe des Affaires étrangères a déclaré suivre «les développements dans le Caucase avec préoccupation», dans un communiqué qui s'apparente à une critique voilée et implicite de la décision russe.

Même condamnation de la part des organisations internationales impliquées dans le dossier caucasien.

L'OTAN a «rejeté» la décision russe, s'alarmant des «actions de la Russie au cours des dernières semaines» qui «sèment le doute sur l'engagement de la Russie pour assurer la paix et la sécurité dans le Caucase».

Quant à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, elle a estimé, par la voix de sa présidence finlandaise, qu'il s'agissait d'une «violation des principes de l'OSCE».

Après avoir soulevé ce tollé, le président Medvedev a enfoncé le clou. «Nous n'avons peur de rien, y compris d'une guerre froide», a-t-il dit dans une interview. «Bien sûr, nous ne la voulons pas».

L'ex-numéro un soviétique, Mikhaïl Gorbatchev, a aussitôt mis en garde contre «une nouvelle division» du monde.