L'épouse du président français Carla Bruni-Sarkozy et le chef de la diplomatie Bernard Kouchner ont rencontré vendredi le dalaï lama, une maigre «séance de rattrapage», selon l'opposition, qui reproche à M. Sarkozy d'avoir évité le prix Nobel pour ménager Pékin.

Cette rencontre, la seule au sommet pour le chef spirituel tibétain lors de sa visite en France (du 11 au 23 août), s'est déroulée lors de l'inauguration du temple bouddhiste de Lérab Ling, à Roqueronde (sud), loin de tout cadre officiel.

Et malgré la présence de nombreux journalistes Mme Bruni-Sarkozy, M. Kouchner et la secrétaire d'État aux Droits de l'Homme Rama Yade, qui participait à la rencontre, ont fait preuve de la plus grande discrétion sur la teneur des discussions.

Carla Bruni-Sarkozy et Rama Yade n'ont fait aucun commentaire. M. Kouchner a simplement déclaré qu'il avait dit au dalaï lama qu'il était «toujours le bienvenu en France».

Lors de ces entretiens, le chef spirituel tibétain a indiqué qu'une «certaine forme de répression extrêmement brutale continuait à régner en parallèle aux Jeux olympiques», a déclaré son interprète et proche collaborateur, Matthieu Ricard.

Le dalaï lama avait évoqué jeudi le bilan de 400 morts depuis les émeutes de mars dans la région de Lhassa.

Il a également dit que «la seule solution» pour «que la Chine gagne sa respectabilité au sein de la communauté internationale» était «la marche vers la démocratie», selon M. Ricard.

Après avoir reçu Mme Bruni-Sarkozy, M. Kouchner et Mme Yade ensemble, le prix Nobel est resté seul avec le chef de la diplomatie.

M. Kouchner a «toujours eu une grande sympathie pour la cause du Tibet, donc son soutien personnel et en tant que ministre est tout à fait acquis», a souligné M. Ricard.

Carla Bruni-Sarkozy a également assisté, avec M. Kouchner, à la cérémonie religieuse, au coté de 2000 personnes. Le dalaï lama a passé autour du cou de ses visiteurs de marque la «kata», traditionnelle écharpe blanche.

L'opposition de gauche, qui avait dénoncé l'accueil en «catimini» en France du responsable tibétain, a vivement critiqué cette «séance de rattrapage après l'échec total de la diplomatie sarkozyste sur le dossier chinois».

«Mme Carla Bruni-Sarkozy est certainement une belle voix, mais elle n'est pas la voix de la France», s'est insurgé le parti socialiste.

M. Kouchner et Mme Yade, «relégués à des rôles de figurants», «auraient dû recevoir le dalaï lama dans un cadre officiel et laïc», selon le PS.

M. Sarkozy avait expliqué que le dalaï lama n'avait pas demandé à le voir lors de cette visite, le moment étant peu opportun en plein JO. Selon un responsable tibétain, il lui a transmis «ses salutations» par la voix de son épouse.

La Chine avait mis en garde contre une éventuelle rencontre entre M. Sarkozy et le dalaï lama, et brandi la menace de «conséquences graves» sur les relations bilatérales.

M. Sarkozy, qui s'était rendu à la cérémonie d'ouverture de JO, avait expliqué aux Chinois que la «page du malentendu» était tournée après des mois de tensions liées notamment au passage chaotique de la flamme olympique à Paris.

La venue de M. Kouchner vendredi n'a été annoncée que tardivement, renforçant le sentiment que Paris avait hésité sur l'attitude à adopter.

Le 14e dalaï lama, généralement reçu en déplacement par les chefs d'État, a évité d'entrer dans la polémique, en fin diplomate, et non sans malice.

«Si j'étais venu avec un agenda politique précis et des rendez-vous avec des responsables politiques et gouvernementaux, alors il y aurait eu de quoi être largement déçu!», a-t-il dit jeudi au quotidien Le Monde.

Mais «mon agenda n'était pas politique», a-t-il expliqué en glissant qu'il espérait, qu'après les JO, M. Sarkozy, président de l'UE, ferait «des propositions constructives au gouvernement chinois».