De très nombreux Pakistanais sont descendus lundi dans les rues pour manifester leur joie immédiatement après l'annonce par le président Pervez Musharraf qu'il démissionnait, point d'orgue d'un an et demi de manifestations hostiles au chef de l'État.

«J'ai décidé de démissionner...» À peine l'ancien général, au pouvoir depuis son coup d'État sans effusion de sang le 12 octobre 1999, avait-il prononcé cette phrase que des cris de joie ont retenti dans toutes les grandes villes du pays au coeur de rassemblements organisés au dernier moment pour écouter, dans la rue, son discours à la nation.

Dimanche, le gouvernement qui réunit, depuis leur victoire aux législatives de février, les anciens partis de l'opposition, avait annoncé qu'il engagerait cette semaine une procédure de destitution devant le Parlement.

Il n'a pas eu à le faire.

À Lahore, la grande ville de l'est et foyer principal des manifestations anti-Musharraf depuis mars 2007, les tambours traditionnels résonnaient encore plusieurs heures après le discours, pour rythmer les chants des manifestants qui scandaient «À bas Musharraf !».

«La nation est si heureuse», hurlait Saba Gul, un étudiant à l'université de Lahore, en dansant dans les ruelles de la vieille ville. Tout le monde autour de lui s'embrassait chaleureusement. Les uns portaient à la bouche des autres des sucreries, un geste traditionnel qui accompagne toute célébration au Pakistan.

À Peshawar, la grande ville du nord-ouest, tout près des zones tribales où l'armée a lancé récemment une offensive contre les talibans et les combattants d'Al-Qaeda, des tirs de kalachnikov ont retenti dans l'après-midi pour ponctuer les chants hostiles à M. Musharraf.

À Multan, ville natale du premier ministre Yousuf Raza Gilani, des manifestants embrassaient le sol tout en remerciant Dieu.

«La nation s'est enfin débarrassée de lui», s'enthousiasmait Abdul Qadir Gilani, le fils du chef du gouvernement, en s'adressant à une foule d'environ un millier de personnes.

Les téléphones portables ne cessaient de sonner pour indiquer l'arrivée d'innombrables messages de congratulations. «C'est une journée heureuse pour tous», lisait-on, ou bien: «Félicitations, Dieu sauve le Pakistan».

Certains, dans cette République Islamique du Pakistan, laissaient toutefois poindre de l'inquiétude, redoutant que la seule puissance nucléaire avérée du monde musulman, sur le front de la «guerre» américaine «contre le terrorisme» et déjà en proie à une crise multiforme, ne s'enfonce davantage dans le chaos.

«Attendons de voir ce qui se passe dans le pays» avant de trop se réjouir, tempérait ainsi Iftikhar Ahmed, opticien à Peshawar.

«L'analyse de Musharraf (dans son discours) est exacte: le pays affronte plusieurs crises et les leaders doivent maintenant leur trouver une solution», ajoute ce commerçant, évoquant notamment les difficultés pour les partis de la nouvelle coalition au pouvoir de gouverner ensemble depuis mars.

«La coalition nous affirmait que Musharraf était le principal obstacle, voyons maintenant ce qu'elle va faire», renchérit Imtiaz Ahmed, un marchand de fruits.

Le Pakistan est en proie notamment à une crise économique parmi les plus sévères de son histoire et à une vague sans précédent d'attentats islamistes qui a fait déjà plus de 1.200 morts en un peu plus d'un an.