Le Parlement zimbabwéen a élu à sa tête un député du principal parti d'opposition après avoir prêté serment lundi, infligeant un revers inattendu au régime du président Robert Mugabe cinq mois après la défaite du pouvoir aux législatives du 29 mars.

L'élection à la présidence du Parlement d'un dirigeant du Mouvement pour le changement démocratique (MDC), Lovemore Moyo, sape les efforts du régime pour conclure une alliance avec un groupe minoritaire de l'opposition qui écarterait du pouvoir le rival de M. Mugabe, le leader du MDC Morgan Tsvangirai.

«Le législatif va devenir un terrain de bataille», a souligné l'analyste Chris Maroleng, à Johannesburg. «Et Mugabe va maintenant devoir négocier en position de relative faiblesse dans les pourparlers» sur un partage du pouvoir.

Ce vote révèle également les divisions au sein de l'Union nationale africaine du Zimbabwe-Front patriotique (Zanu-PF), pilier du régime. Le décompte des voix montre que certains députés du parti de M. Mugabe ont voté pour le MDC.

Le candidat du MDC a été élu face à celui de la faction dissidente du MDC menée par Arthur Mutambara, Paul Themba Nyathi. Ce dernier était en principe soutenu par la Zanu-PF, qui avait retiré sa propre candidature.

Sur les 208 voix exprimées à bulletins secrets, 110 sont allées à M. Moyo et 98 à M. Nyathi. Or, le MDC a obtenu 100 sièges à la Chambre des députés le 29 mars, contre 99 à la Zanu-PF, 10 à la faction Mutambara et un indépendant.

Même si l'exécutif détient le pouvoir réel, «la Zanu-PF était manifestement déterminée à empêcher la victoire du MDC» lundi, a relevé Laurence Caromba, du Centre d'études politiques internationales à Pretoria. «Le fait que le MDC ait gagné en dépit de tout constitue une importante victoire psychologique pour l'opposition et un sérieux revers pour Mugabe.»

Le marasme économique dans lequel est englué le pays a divisé la Zanu-PF. Deux millions de Zimbabwéens sont menacés de famine. L'hyperinflation, officiellement de 11.200.000% en taux annuel, prive la majorité de la population de l'accès à l'éducation ou aux soins.

La prestation de serment des parlementaires ouvrait en principe la voie à la formation d'un gouvernement, ce qui porterait un coup fatal aux pourparlers sur un partage du pouvoir entamés le 10 août.

Les âpres tractations pour un gouvernement d'union nationale ont été suspendues sine die le 12 août, chaque camp voulant contrôler l'exécutif.

La confusion qui a marqué le début de la cérémonie lundi illustre l'ampleur persistante du fossé. À leur arrivée au Parlement, les élus du MDC ont pris position du côté habituellement occupé par les députés de la Zanu-PF, appelant ces derniers à s'asseoir sur les bancs réservés à l'opposition.

Avant la prestation de serment, un élu du MDC a été arrêté et un autre «entendu» par les forces de l'ordre, selon le porte-parole de la police nationale, Wayne Bvudzijena.

Shuah Mudiwa «a été brièvement entendu en liaison avec certaines affaires de violences publiques puis autorisé à entrer au Parlement», a-t-il affirmé. L'autre élu, Elias Jembere, a été inculpé de viol et écroué, a-t-il dit. Cette affaire avait pourtant été classée.

«Nous avons une liste de huit députés recherchés en relation avec des affaires de violences publiques», a souligné le porte-parole.

Ces élus du MDC sont accusés de crimes allant de la tentative de meurtre à l'incendie volontaire, dans le cadre des violences politiques qui ont éclaté entre les élections générales du 29 mars et le second tour de la présidentielle le 27 juin.

L'ONU impute aux partisans du régime la responsabilité de ces exactions, qui ont fait plus d'une centaine de tués et des dizaines de milliers de déplacés et conduit M. Tsvangirai à se retirer de la course à la présidence. Le chef de l'État, 84 ans dont 28 au pouvoir, avait été réélu le 27 juin, seul en lice.