Le président pakistanais Pervez Musharraf va contre-attaquer après l'annonce jeudi par la coalition gouvernementale d'une procédure de destitution à son encontre, a averti vendredi le camp du chef de l'État, allié des États-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme».

La perspective d'une destitution du président --une première dans l'Histoire du Pakistan-- plonge cette puissance nucléaire militaire musulmane dans une crise ouverte au sommet de l'État.

Les artisans de la coalition gouvernementale formée en mars, le veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari, et l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, ont annoncé jeudi le lancement de cette procédure contre M. Musharraf, au pouvoir depuis un coup d'État en 1999 et réélu de manière controversée en octobre 2007.

«Nous allons nous y opposer. C'est une tentative qui ne tient pas debout et qui constitue sans aucun doute le meilleur moyen de courir à la catastrophe», a répliqué Tariq Azim, ex-ministre de l'Information de M. Musharraf et responsable de la Ligue musulmane du Pakistan-Q (PML-Q), proche du chef de l'État.

«Tout cela déstabilisera le pays», a-t-il prévenu.

M. Musharraf, qui a annulé son voyage aux jeux Olympiques de Pékin, «fait l'inventaire de ses options», a indiqué un responsable à la présidence. «Il répondra aux allégations du gouvernement et se défendra lui-même», a-t-il ajouté.

Constitutionnellement, le président a le droit de «dissoudre» l'Assemblée nationale, voire de «déclarer l'état d'urgence», avait averti jeudi ce responsable.

Une éventualité à laquelle MM. Zardari et Sharif ont dit ne pas souscrire.

«Il peut révoquer le gouvernement, le suspendre ou quitter le pouvoir, mais cette dernière solution est très peu probable. Il le fera uniquement s'il se rend compte que le véritable pouvoir ne le soutient pas», a expliqué un conseiller présidentiel, faisant allusion à l'armée, le pilier du Pakistan.

L'ex-général Musharraf n'est plus chef des armées depuis novembre 2007, ni même militaire. Son successeur, le général Ashfaq Kayani, a toujours fait montre de loyauté.

M. Musharraf a par ailleurs affirmé sa réticence à voir les militaires intervenir dans le champ politique dans un pays qui a vécu la moitié de ses 61 ans d'existence sous la férule de généraux putschistes.

Si bien que sans le feu vert des militaires, M. Musharraf aurait du mal à imposer l'état d'urgence. «L'armée ne voudra pas prendre part au jeu politique», a tranché le politologue Shafqat Mahmood.

Quant à la dissolution de l'Assemblée nationale élue en février et dominée par les partis de l'ex-opposition, elle serait grandement impopulaire. Ce choix serait «dommageable à la démocratie et à l'économie», a admis l'ex-ministre Azim.

Concrètement, un acte d'accusation contre le chef de l'État devrait être émis puis soumis au vote du Parlement. Le président de l'Assemblée nationale, la chambre basse, devra ensuite lui demander de se défendre.

Cette assemblée ne siège pas actuellement, mais le gouvernement pourrait la convoquer en session extraordinaire dès lundi, jour du 65e anniversaire de M. Musharraf.

Mais selon M. Azim, la coalition ne serait pas en mesure de rassembler les deux-tiers nécessaires au sein des deux chambres parlementaires.

«Le compte n'y est pas pour la coalition», a-t-il affirmé.

«Nous allons préparer le dossier. Le président doit se présenter devant le Parlement, se défendre et dire au moins: +Je ne suis pas un escroc+», a déclaré Mushahid Hussain, secrétaire général de la PML-Q.

Pour l'instant, M. Musharraf jouit du soutien de Washington lancé dans cette région dans sa «guerre contre le terrorisme» contre Al-Qaeda et les talibans.

Toutefois, le département d'État américain a estimé vendredi que la procédure de destitution était une affaire interne pakistanaise.