En Egypte, l'augmentation du niveau de vie et un meilleur accès à l'information ont permis de réduire le nombre d'excisions dans les grandes villes.

Mais dans la vallée du Nil, la persistance de cette coutume ancestrale pousse des villageoises à mener un combat sur le terrain auprès des femmes qui hésitent à y renoncer.

Maha Mohammed en fait partie. Prise de scrupules il y a un an, cette mère de 31 ans, habitante du village de Sultan Zawyit, se demande depuis si elle doit faire exciser ses filles. Agée de 31 ans, elle-même excisée, elle sait que ce geste peut être non seulement douloureux, mais médicalement risqué. Mais elle veut que ses filles soient excisées, convaincue de garantir ainsi leur mariage.

«Je sais que les filles souffrent tant physiquement que psychologiquement», résume-t-elle. «Mais je ne veux pas que mes filles soient sollicitées sexuellemment de façon incontrôlable.»

De telles questions sont importantes. Avec des campagnes de terrain et l'adoption de lois fermes contre l'excision, l'Egypte semble faire une entaille dans cette

coutume profondément ancrée, vieille de milliers d'années.

Selon l'enquête nationale sanitaire et démographique menée en 2005, la plus récente et la plus vaste dans ce domaine, 63% environ des fillettes égyptiennes de neuf ans ou moins seront excisées au cours de la décennie à venir. Un pourcentage inférieur dans les grandes villes comme Le Caire (autour de 40%), mais plus élevé dans les régions rurales du sud (environ 78%).

Pour persuader les villageoises d'y renoncer, des militantes vont voir une femme à la fois, une famille à la fois, une localité à la fois. Souvent, elles s'adressent à des femmes ayant renoncé par elles-mêmes et qu'elles invitent à militer à leur tout auprès de mères de fillettes de 8 à 11 ans.

Fatma Mohammed Ali est l'une d'entre elles. Après son excision à l'âge de 13 ans, cette femme aujourd'hui âgée de 35 ans avait été victimes de graves

complications, notamment de douleurs violentes pendant son enfance.

Aujourd'hui, elle se rend régulièrement chez sa voisine Maha Mohammed pour la dissuader, en citant sa famille en exemple. Aucune des deux filles de Fatma Mohammed Ali n'est excisée. Toutes deux sont physiquement «normales» et une étudie même à l'université, une réussite importante pour une femme de cette

origine.

«Je me fiche de ce que les gens pensent. J'ai été vraiment abîmée et je ne veux pas de ça pour mes filles», confie cette femme courageuse qui s'asseoit souvent les bras croisés devant la poitrine. «Quand je fais part de mon expérience, j'en convaincs beaucoup. Elles voient aussi que mes filles sont bien et qu'elles respectent la religion.»

Les femmes ont du mal à faire part publiquement de leur expérience, mais quand elles le font, on obtient des résultats étonnants, relève Nevine Saad Fouad, responsable d'une association de protection de l'enfance, en banlieue de Minya, non loin de Sultan Zawyit.

Parmi les 3000 familles ciblées ces dernières années dans les villages longeant le Nil situés à proximité, plus de la moitié déclarent avoir renoncé à cette pratique, 800 sont encore indécises et moins de 500 veulent continuer à exciser leurs filles.

La clé est de convaincre les familles que renoncer à l'excision est une idée egyptienne, et non pas une idée venue d'occident. L'association fait la promotion d'activités locales, notamment de jeux en communauté, de discussions avec les médecins locaux et de débats religieux.

Parallèlement, ces dernières années, le gouvernement egyptien a tenté de mettre fin à cette pratique. L'Institut national de l'enfance et de la maternité a mis au point des programmes d'aide aux villages qui veulent se déclarer opposés à l'excision.

L'institut a par ailleurs financé une campagne TV et d'affichage.

L'an dernier, le ministère de la Santé a interdit aux médecins de pratiquer ce geste et, en juin, le Parlement a voté une loi l'interdisant, dans la cadre de la loi sur la protection de l'enfance. Mais les militants redoutent que les lois seules ne suffisent pas.

«Il y a une vague de changement en ce moment», a déclaré Mona Amin, Institut national de l'enfance et de la maternité. «Mais nous devons maintenir la pression.»

L'excision se pratique en Afrique noire et au Moyen-Orient tant chez les musulmans que chez les chrétiens. Elle consiste à couper le clitoris pour empêcher tout plaisir sexuel.