Trois semaines après avoir été désignée premier ministre d'Haïti par le président René Préval, Michèle Duvivier Pierre-Louis aurait été jugée éligible à ce poste par la commission de vérification du Sénat, mais elle doit encore affronter sénateurs et députés en séance plénière alors que sa candidature déchaîne les passions et polarise le pays.

Mme Pierre-Louis, 62 ans, est proche de Préval. Elle était en affaires avec lui dans les années 80, et elle a dirigé son cabinet quand il est devenu premier ministre en 1991.

Mais elle a aussi été membre de l'Autorité aéroportuaire nationale (AAN) sous Bébé Doc Duvalier, et elle administre la FOKAL, une ONG soutenue par le financier américain George Soros.

Orientation sexuelle

Des craintes ont vite été exprimées face au néolibéralisme de Soros et à une campagne appréhendée de privatisations en Haïti. Mais le débat a basculé quand des inconnus ont lancé qu'elle était lesbienne, donc inapte à être première ministre du pays.

Des intellectuels, des artistes, des organisations féministes et patronales se sont mobilisés en faveur de Mme Pierre-Louis, avec des pétitions affirmant que son orientation sexuelle n'avait rien à voir avec ses compétences administratives. Ils ont menacé de faire le siège du Parlement si celui-ci rejette sa candidature.

Pour l'agence haïtienne AlterPresse, le débat oppose deux visions conflictuelles, l'une «moraliste, hypocrite et inquisitrice», l'autre «priorisant l'engagement social et citoyen pour reconstruire le pays.»

Mais l'Agence haïtienne de presse (AHP) écrit : «On est habitués à ce type de campagne, de faire couler des canards et d'inventer des dossiers, voire des massacres, pour les faire condamner pour des motifs politiques».

Pour l'hebdo Haïti en marche, la désignation de Michèle Pierre-Louis indique que «les ONG arrivent au pouvoir en Haïti», qualifiant la FOKAL de «l'une des plus puissantes ONG locales».

Au Parlement de jouer

Selon Radio-Métropole, qui cite le député Joseph Saint-Ulma, la commission a approuvé le dossier d'éligibilité de Mme Pierre-Louis, mais «l'Assemblée pourrait avoir une opinion contraire». «Tout reste à jouer au Parlement», écrivait hier l'AHP.

Haïti, le plus pauvre pays de l'hémisphère, est sans premier ministre depuis les émeutes de la faim début avril. La flambée des prix continue, mais deux autres premiers ministres désignés, l'économiste Erick Pierre et l'architecte Robert Manuel, ont été récusés par les élus, car leurs dossiers personnels n'étaient pas conformes aux critères d'éligibilité.

Renversé au Parlement dans la foulée des sanglantes émeutes d'avril, Jacques-Édouard Alexis continue d'expédier les affaires courantes à la tête d'un gouvernement «pluriel» composé de différentes tendances sans aucun programme commun.