Faire tourner des éoliennes hautes comme des cathédrales à des dizaines de kilomètres de la côte: le défi ne semble pas faire peur aux Allemands, qui débordent d'ambition pour l'éolien «offshore», malgré une technologie encore balbutiante.

Dernier en date à dégainer son grand projet: le numéro deux allemand de l'énergie, RWE.

Le groupe entend construire deux ou trois sites de grande envergure au large de l'Allemagne, soit une capacité totale de 1000 mégawatts, ce qui représenterait selon des experts un investissement de 3 milliards d'euros.

Loin de tout triomphalisme, RWE a accompagné son annonce d'un sermon sur le défi technique représenté par les éoliennes géantes plantées en haute mer.

Alors que le gouvernement allemand veut alimenter 15% des foyers avec de l'électricité produite «off shore» d'ici 2030, soit jusqu'à 25.000 mégawatts, Fritz Vahrenholt, responsable de l'énergie renouvelable chez RWE, souligne dans la presse que «ce sont des ordres de grandeur auxquels nous n'avons jamais eu affaire.»

Il est sévère avec le fonds d'investissement américain Blackstone, qui avait fait sensation en annonçant un investissement d'environ 1 milliard d'euros dans un projet de grand parc éolien en mer en Allemagne.

«Blackstone sous-estime les risques», assène M. Vahrenholt.

Le fonds américain n'est pas le seul, loin de là, à se lancer dans l'aventure: au total, les autorités allemandes ont délivré des permis de construire pour près d'une vingtaine de parcs en mer Baltique ou en mer du Nord.

Mais pour l'instant, aucun projet n'a vraiment dépassé le stade du papier.

Le plus avancé est Alpha Ventus, un parc expérimental de 12 éoliennes d'une capacité de 5 mégawatts chacune, soit les modèles les plus puissants au monde. Le tout conduit par un consortium auquel participe le numéro un de l'énergie allemand, EON, Vattenfall Europe, filiale du groupe suédois du même nom, ou encore le groupe EWE.

Ce parc doit fonctionner à plein régime l'an prochain mais la première éolienne ne tourne toujours pas, alors que les champs offshore fleurissent déjà au large de l'Angleterre, du Danemark ou des Pays-bas.

«La situation chez nous est très différente», plaide le scientifique Kurt Rohrig, de l'institut universitaire Iset, spécialisé dans les énergies renouvelables.

«La loi allemand protège le littoral, ce qui oblige à bâtir très loin, souvent à plus de trente kilomètre de la terre», explique-t-il à l'AFP.

«Les éoliennes doivent résister à des vagues puissantes et il faut les ancrer à une profondeur dépassant parfois trente mètres», indique-t-il. Autre défi: amener l'électricité produite à terre.

La question se pose aussi de la maintenance de ces engins monstrueux, plus hauts que la cathédrale de Cologne, et inaccessibles par mauvais temps.

A dimensions inédites, tracas administratifs inédits. Le très sérieux magazine Der Spiegel a raconté récemment un casse-tête bureaucratique qui s'est posé au plus haut niveau à propos de l'installation de toilettes dans les éoliennes pour les techniciens de maintenance.

«Ce débat sur le petit coin montre bien pourquoi, parfois, rien n'avance en Allemagne», soupire Fritz Varenholt (RWE).

Malgré les obstacles, Andreas Wagner, directeur de la Fondation pour l'énergie éolienne offshore, est optimiste: «Toutes les conditions légales et économiques sont désormais en place.»

En particulier, le gouvernement vient de garantir des subventions généreuses à ce mode de production d'électricité.

M. Rohrig, de l'Iset, juge que les objectifs fixés pour 2030 sont «réalistes», mais estime que si les éoliennes sur terre ferme seront rentables sans subventions «dans deux ou trois ans», les engins en haute mer devront attendre «une dizaine d'années» pour y arriver.