Il y a un peu plus de 40 ans, un jeune Vietnamien, Nguyen Van Dai, abattait l'avion du pilote John McCain au dessus de Hanoï. Aujourd'hui, comme d'autres vétérans, il suit avec intérêt la campagne du candidat républicain pour gagner la Maison-Blanche.

Certains reprochent à l'Américain son absence de remords à la fin de la guerre du Vietnam. Mais d'autres, comme Dai, apprécient le rôle de l'ex-prisonnier du Nord-Vietnam dans la normalisation des relations diplomatiques entre Hanoï et Washington dans les années 90. Et s'ils pouvaient voter lors de la présidentielle américaine, ils le choisiraient.

Dai, qui affirme avoir «refermé le passé» et voit désormais en John McCain «un ami», se souvient bien de ces minutes du 26 octobre 1967 qui ont suffi à envoyer l'Américain dans un lac.

«Nous suivions l'avion sur notre écran de contrôle et j'ai poussé le bouton», raconte ce colonel à la retraite de 68 ans. «Il y a eu une détonation sourde et un énorme nuage de fumée sur le site de lancement du missile. L'appareil, touché, a rapidement perdu de l'altitude et a disparu de l'écran».

En s'éjectant de l'appareil, John McCain allait se briser les deux bras et une jambe. Tombé inconscient dans le lac de Truc Bach, il allait être sauvé de la noyade et de la foule en colère par un habitant, Mai Van On, mort il y a deux ans à 88 ans.

Pendant cinq ans et demi, de 1967 à 1973, McCain allait rester prisonnier. La plupart de ce temps, il allait le passer dans l'ancienne Maison centrale des colonisateurs français, devenue la prison Hoa Lo, encore appelée «Hanoï Hilton».

De ces années, John McCain gardera le souvenir de moments de torture et d'isolement. Dans un article paru en 1973, il racontera avoir atteint ses limites après avoir été battu pendant quatre jours par des gardiens qui lui recassèrent un bras.

Le Vietnam, lui, nie toute torture de prisonniers.

«Il n'y a pas de Nation qui traitait ses prisonniers aussi humainement que le Vietnam», estime Tran Trong Duyet, ancien directeur de «Hanoï Hilton». L'idée même de les torturer «n'existait pas dans nos esprits», affirme-t-il.

Duyet, aujourd'hui âgé de 74 ans, dit avoir connu McCain et le décrit comme un homme «franc et plein d'humour» à la «forte personnalité».

«Nous parlions des femmes, de l'amour. C'était des histoires entre deux hommes, pas entre un directeur et un prisonnier. Parfois, il venait dans mon bureau, il m'apprenait la prononciation anglaise, l'accent américain».

«Ses opinions politiques, je les considérais extrêmes, conservatrices», poursuit-il. «Quand il débattait avec moi de la guerre américaine au Vietnam, il n'admettait jamais que les États Unis avaient fait une erreur».

Pour Duyet, les cas de torture dont John McCain parle ne sont que «calomnies». Malgré tout, il soutient le candidat républicain à la présidentielle.

«J'espère que, s'il devient le président des États-Unis, dans son nouveau poste plein de pouvoir, il améliorera encore les relations entre les États-Unis et le Vietnam», explique-t-il. «C'est la raison pour laquelle je voterai pour lui».

Tous ne partagent pas ce penchant de Dai et Duyet pour ce fils et petit-fils d'amiral. Nguyen Tien Tran, ancien gardien de prison de 75 ans, reproche ainsi à John McCain son «ingratitude».

«Nous l'avons sauvé plusieurs fois, de la noyade et de graves blessures, mais je ne l'ai jamais entendu dire merci», déplore-t-il.

«S'il devient président des États-Unis, je lui conseillerai de ne pas se laisser prendre au piège comme les précédents présidents américains, en envoyant des troupes à l'étranger et en faisant d'autres guerres».