Le président pakistanais Pervez Musharraf, menacé par une procédure de destitution, a fait savoir lundi n'avoir nullement l'intention de démissionner, augurant d'un long et complexe bras de fer procédural au sommet de l'État.

«Il n'y a aucune raison pour qu'il démissionne. Tout ce qu'ils (ses ennemis politiques) disent est faux», a déclaré à l'AFP Rashid Qureshi le porte-parole du président Musharraf.

Il n'a livré aucun détail sur les projets du président mais cette mise au point est la première officielle émanant du camp Musharraf depuis que la coalition gouvernementale a annoncé jeudi le lancement d'une procédure de destitution contre le chef de l'Etat.

L'assemblée nationale, la chambre basse du Parlement, doit se réunir lundi soir à Islamabad pour se prononcer ---plus tard dans la semaine-- sur un acte d'accusation visant l'ex-général Musharraf, allié des Etats-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme».

«Le comité chargé de la procédure de destitution (...) met la dernière main à l'acte d'accusation», a indiqué Farzana Raja, du premier parti de la coalition, le Parti du peuple pakistanais (PPP) de Asif Ali Zardari, le veuf de Benazir Bhutto.

«Nous lui (Musharraf) avons donné l'occasion de démissionner, nous lui avons laissé plusieurs mois. Mais nous devons nous rendre au fait qu'à présent, c'est au peuple du Pakistan, à travers ses représentants élus au parlement, de s'en charger», a-t-elle dit.

Selon le ministre de la Justice, Farooq Naek, M. Musharraf est accusé de «mauvaise administration» et de «violation de la Constitution».

Dimanche, des membres de la coalition l'avaient de nouveau exhorté à démissionner, neuf ans après sa prise de pouvoir par un coup d'Etat militaire et moins d'une année après sa réélection controversée.

L'article 47 de la Constitution de 1973 dispose que le président peut «être renvoyé en cas d'incapacité physique ou mentale, ou destitué s'il est coupable de violation de la Constitution ou de faute grossière», mais ce serait une première dans l'histoire de cette puissance nucléaire militaire musulmane.

La coalition doit rassembler la majorité des deux-tiers des deux chambres réunies du Parlement --l'assemblée nationale et le Sénat-- soit 295 sièges sur 439, pour renvoyer le chef de l'Etat.

Depuis les législatives du 18 février, le PPP de M. Zardari, la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz de l'ex-Premier ministre Nawaz Sharif alliés à plusieurs petits partis disposent de 266 sièges à l'assemblée nationale et au Sénat. Mais pour obtenir le départ de M. Musharraf, ils devront convaincre 29 autres parlementaires, peut-être ceux des zones tribales frontalières avec l'Afghanistan.

En théorie, le chef de l'Etat peut dissoudre l'assemblée nationale, voire déclarer l'état d'urgence.

M. Musharraf a été réélu le 6 octobre 2007 au suffrage indirect de l'assemblée nationale et de quatre assemblées provinciales, dans un scrutin contesté devant la Cour suprême. Il avait instauré l'état d'urgence le 3 novembre, avant de le lever un mois plus tard, limogeant les magistrats de la Cour suprême qui lui étaient hostiles.

C'est sur cette base que l'assemblée du Pendjab, la première province du pays et bastion de M. Sharif, votait lundi une résolution anti-Musharraf.

D'après ce texte, le président n'est «pas apte à occuper ses fonctions» et sa politique a conduit le Pakistan dans une «grave impasse politique et économique».

Cette résolution «sera votée par la majorité de cette assemblée», a assuré un parlementaire local du PPP, Qasim Zia. Les trois autres assemblées provinciales doivent voter cette semaine.

L'ensemble de la procédure, si elle aboutit, prendra au moins des semaines.