Un jour ou l'autre, les bombes devaient recommencer à pleuvoir en Ossétie-du-Sud et en Abkhazie, deux républiques sécessionnistes non reconnues, qui jouissent d'une indépendance de fait depuis la chute de l'URSS. Le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, aura choisi le jour de l'ouverture des Jeux olympiques de Pékin pour entreprendre de rétablir l'intégrité territoriale de son pays.

Depuis, la guerre est en marche. Et la propagande aussi. Les informations provenant des belligérants hier étaient pour la plupart contradictoires. Même entre alliés.

Selon le président sud-ossète, Édouard Kokoïty, plus de 1600 de ses concitoyens ont péri dans les attaques aériennes et terrestres menées par l'armée géorgienne depuis jeudi. L'ambassadeur de Russie à Tbilissi parlait de 2000 victimes. Le premier ministre russe, Vladimir Poutine, qui est arrivé hier à Vladikavkaz, capitale de l'Ossétie-du-Nord, où se sont réfugiés quelques 30 000 Sud-Ossètes, faisait plutôt état de «dizaines de morts» et de « entaines de blessés». «Mensonges flagrants» selon Tbilissi, qui affirme qu'il n'y a «pratiquement pas de civils tués».

Attaques russes

Hier, l'aviation russe a franchi les frontières sud-ossètes pour aller bombarder la ville géorgienne de Gori ainsi que le port stratégique et terminal pétrolier de Poti, au bord de la mer Noire, donc bien loin de l'Ossétie. Selon les Géorgiens, ces attaques, qui auraient fait chacune une soixantaine de morts, visaient délibérément des objectifs «stratégiques, économiques, civils et militaires». Les Russes ont nié vouloir s'attaquer aux citoyens.

Hier, la Géorgie évaluait ses pertes à au moins 250 morts. Moscou a déclaré avoir perdu 15 militaires depuis le début des hostilités.

La ministre géorgienne des Affaires étrangères, Eka Tkechelachvili, a réclamé l'aide de la communauté internationale pour faire face à «l'invasion russe sur le sol géorgien».

Difficile de savoir quel protagoniste a actuellement l'avantage sur le terrain. Hier, en milieu de journée, tant les Géorgiens que les Russes affirmaient détenir la capitale sud-ossète, Tskhinvali, presque entièrement détruite par les bombardements géorgiens jeudi et vendredi.

Un conflit prévisible

Si l'escalade de la violence dans la poudrière du Caucase a surpris par sa rapidité, elle était plutôt prévisible. Depuis son élection en 2004, le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili, a sans cesse rappelé son intention de reconquérir les deux provinces perdues par ses prédécesseurs à la suite de sanglantes guerres d'indépendance qui ont fait des milliers de morts.

Rejetant régulièrement l'idée d'une intervention armée, le jeune chef d'État pro-occidental s'était toutefois refusé à signer un pacte de non-usage de la force, comme le proposaient les Ossètes et les Abkhazes. Dans le même temps, il accusait Moscou de vouloir «annexer» les deux régions, qui possèdent une frontière commune avec la Russie.

Il faut dire que la majorité des citoyens des deux régions ont obtenu la citoyenneté russe au cours des dernières années. Dans les territoires de Tskhinvali et de Soukhoumi, les capitales sud-ossète et abkhaze, on paie depuis longtemps en roubles russes et c'est Moscou qui signe les chèques de retraite.

L'Ossétie-du-Sud n'a jamais caché son désir d'être un jour rattachée à la Fédération de Russie, où habitent les compatriotes nord-ossètes.

L'indépendance du Kosovo, proclamée le 17 février dernier, et la volonté de la Géorgie d'adhérer à l'OTAN, auront ravivé les tensions.

La Russie, fermement opposée à ces deux idées, a alors décidé de se rapprocher des Abkhazes et des Ossètes, qui en ont profité pour redemander à la communauté internationale de reconnaître leur souveraineté.

Depuis ce temps, les accrochages entre les soldats géorgiens et ceux d'Ossétie-du-Sud et d'Abkhazie se sont multipliés, faisant parfois des victimes.

Les forces de maintien de la paix russes, stationnées dans les provinces séparatistes, étaient elles aussi parfois impliquées, ravivant chaque fois les soupçons de Tbilissi à propos de la supposée neutralité russe.