Les Russes distribuaient lundi de l'aide alimentaire à Gori, mais les habitants de cette ville géorgienne proche de l'Ossétie du Sud disaient presque tous qu'ils préféreraient les voir partir.

Dans cette ville pleine de blindés russes, l'opération humanitaire se déroule en présence d'un groupe de journalistes étrangers amenés par l'armée russe pour l'occasion de Tskhinvali, la capitale du territoire séparatiste.

Un membre du gouvernement géorgien également présent, s'exprime en toute liberté pour réclamer avec insistance le retrait des troupes russes.

«L'occupation russe est une histoire sans fin», déclare le ministre du Développement régional David Tkechelachvili, utilisant l'expression anglaise «neverending story».

«Les soldats russes de l'armée régulière doivent quitter immédiatement la Géorgie, y compris l'Ossétie du Sud et l'Abkhazie», deux territoires séparatistes pro-russes, indépendants de facto depuis le début des années 90, dit-il.

Le ministre dénonce «l'agression» et le «pillage» de son pays, tout en reconnaissant qu'il n'y a «pas de catastrophe humanitaire» à Gori.

La ville est d'ailleurs presque vide car, selon lui, 15.000 habitants seulement y restent sur une population de 55 000. L'eau et l'électricité ne sont pas coupées. Mais les magasins sont fermés.

Les gens ont fui parce que les Russes ont bombardé la ville. Ce sont des occupants», déclare un habitant quadragénaire qui préfère ne pas dire son nom.

Il n'y a pas de blindés russes sur la place centrale de Gori, ornée d'une imposante statue de Staline, originaire de cette ville géorgienne. Mais sur l'avenue qui porte son nom, on en voit quelques-uns, disposés en travers de la voie. Et selon les habitants, la ville en est pleine, au point de gêner la circulation automobile, au demeurant réduite.

Comme pour confirmer leurs dires, un blindé à chenilles apparaît soudain faisant un bruit infernal et traverse la place à grande vitesse, dans un nuage de fumée.

Sur le bâtiment de la municipalité, le drapeau géorgien flotte à mi-mât.

La nourriture amenée par les camions russes, du riz et des haricots, trouve de nombreux preneurs, mais ne suffit pas pour réconcilier les habitants avec les visiteurs étrangers.

«Nous n'avions pas besoin de leur aide avant qu'ils ne viennent», dit Anna, 30 ans. «Ni d'aide des États-Unis ni de la Russie», ajoute-t-elle. Les camions sont là «pour la propagande», estime la jeune femme.

«Nous ne sommes pas là pour faire de la politique, mais pour distribuer de l'aide», réplique un responsable humanitaire russe.

Anna n'en demande pas moins «que les Russes s'en aillent. On vivait bien mieux avant» leur arrivée.

Miheïl, âgé d'une vingtaine d'années, regrette qu'il n'y ait «que des soldats russes dans la ville, pas de policiers géorgiens».

Mais une femme âgée est reconnaissante aux militaires russes d'avoir imposé l'ordre.

«Les Russes sont nos frères», affirme Tina Gassitachvili. Les militaires «sont de braves gens, ils ont fait partir les voleurs». Ces derniers étaient «des Tchétchènes, des Russes, des hommes masqués. Peut-être avaient-ils faim ou voulaient-ils de l'argent», dit-elle.

En quittant la ville toujours silencieuse, où l'on aperçoit de loin quelques façades d'immeubles calcinées, les journalistes étrangers passent devant une base militaire géorgienne gardée par une demi-douzaine de blindés russes.