Un bras de fer politique s'est engagé au Pakistan entre le gouvernement, qui réclame le départ du président Pervez Musharraf et lui a donné jusqu'à ce dimanche pour démissionner, et le chef de l'État qui n'entend pas lâcher prise.

La procédure de destitution annoncée par la coalition gouvernementale, hostile au chef de l'État, doit être déclenchée avant mardi, a déclaré dimanche à l'AFP le ministre de la Défense Ahmed Mukhtar. «L'acte d'accusation sera soumis au Parlement d'ici mardi», a dit le ministre.

Le ministre des Affaires étrangères, Shah Mehmood Qureshi, avait la veille adressé un ultimatum à peine voilé au président Musharraf, lui demandant de quitter ses fonctions avant dimanche afin d'échapper à cette procédure.

«L'heure n'est plus aux atermoiements», avait affirmé le ministre.

La coalition gouvernementale, en place depuis mars, s'est engagée début août à enclencher la procédure de destitution de l'ex-général, un allié de premier plan des États-Unis dans leur «guerre contre le terrorisme» islamiste.

Elle reproche notamment à M. Musharraf d'avoir évincé des magistrats qui s'apprêtaient à statuer sur sa réélection contestée en octobre 2007 et d'avoir instauré l'état d'urgence le mois suivant.

A ces griefs s'ajoutent des haines plus personnelles: l'un des deux piliers de la coalition, l'ex-premier ministre Nawaz Sharif, a été renversé par le général Musharraf lors du coup d'État de 1999.

Cette mesure de destitution inédite, si elle aboutissait, consacrerait cinq mois de tensions entre le gouvernement et Pervez Musharraf.

Alors que les spéculations vont bon train sur son départ anticipé, M. Musharraf a fait savoir qu'il n'avait nullement l'intention de lâcher les commandes de son pays, puissance nucléaire militaire musulmane.

Le chef de l'État a lancé mercredi un appel à «la réconciliation» alors que jamais, au cours des 61 années de l'histoire du Pakistan, un président n'a été destitué.

Des tractations ont été engagées en coulisses afin de lui épargner l'humiliante procédure de destitution, voire des poursuites connexes.

«Des négociations sont en cours et beaucoup de gens ont intérêt à ce que cette question soit réglée de manière amicale sans aller jusqu'à la destitution», a affirmé cette semaine à l'AFP Tariq Azim, ancien ministre adjoint de l'Information dans le précédent gouvernement pro-Musharraf.

Une autre option serait de «réduire le statut du président à celui d'une figure de premier plan», aux pouvoirs honorifiques, privée des droits de dissolution du Parlement et de nomination des chefs des armées, a expliqué M. Azim.

Deux responsables de la coalition, dirigée par le Parti du peuple pakistanais (PPP) du veuf de Benazir Bhutto, Asif Ali Zardari, allié à la Ligue musulmane du Pakistan-Nawaz (PML-N) de Nawaz Sharif, ont confirmé des pourparlers avec le camp présidentiel.

Selon l'une de ces sources, M. Musharraf partirait en échange de l'assurance de ne pas être poursuivi pour avoir imposé l'état d'urgence le 3 novembre 2007, un mois après avoir été réélu de manière controversée.

Hormis des marchandages avec ses adversaires pour une sortie de piste honorable, plusieurs choix s'offrent au président Musharraf.

Il peut en théorie dissoudre l'assemblée nationale, voire déclarer l'état d'urgence, même si cette dernière option semble assez improbable.

Il pourrait aussi décider de se battre pied à pied et tirer le meilleur parti d'une procédure de destitution qui s'annonce longue compte tenu des complexités de la Constitution.

Concrètement, un acte d'accusation contre le chef de l'État devrait être soumis au vote du Parlement. Le président de l'Assemblée nationale, la chambre basse, devra ensuite demander à M. Musharraf de se défendre.

La procédure, si elle aboutit, prendra au moins des semaines, selon des juristes.