Les femmes kamikazes, qui ont multiplié les attaques en Irak ces derniers mois, sont poussées par le désespoir, animées par un désir de vengeance ou victimes de leur extrême misère, ont expliqué à l'AFP des sources militaires irakiennes et américaines.

Jeudi soir, huit personnes ont été tuées et vingt blessées lorsqu'une kamikaze s'est fait exploser à Baqouba, capitale de Diyala, une province au nord-est de Bagdad, devenue l'une des plus dangereuses du pays.

Elle visait une patrouille des comités Al-Sahwa, les «Réveils», des groupes d'ex-insurgés sunnites mobilisés contre Al-Qaeda et payés par l'armée américaine.

Il s'agissait d'une nouvelle illustration de l'implication de femmes dans les attaques terroristes attribuées à la mouvance d'Al-Qaeda en Irak, qui ont fait des centaines de victimes à travers le pays.

Le 7 juillet, une femme avait déjà actionné sa bombe sur un marché de Baqouba, tuant deux personnes et en blessant 14.

«Une des raisons pour ces femmes de mourir est le désir de vengeance», a expliqué à l'AFP le capitaine Kevin Ryan, commandant d'une base américaine dans Baqouba.

«Souvent, elles ont perdu des parents, des frères ou des enfants dans les combats», poursuit-il.

Le désir de revanche est un facteur déterminant, que les émules d'Oussama ben Laden savent exploiter, confirme le colonel Ali Al-Karkhi, de l'armée irakienne, chargé de la sécurité dans le secteur de Khan Bani Saad, à 30 km au sud de Baqouba.

«Certaines veulent se venger parce que leurs familles ont disparu», commente-t-il pour l'AFP et «il est alors facile de les faire viser ceux qu'elles considèrent comme responsables».

«L'an dernier, dans le district de Magdadiya, une femme dont les cinq fils avaient été tués par la police irakienne s'est fait sauter près d'un groupe de recrues qui venaient s'engager. Elle a tué 30 civils et 15 policiers», raconte le colonel irakien.

Les femmes sans éducation, voire même mentalement déficientes, sont également une proie facile pour les extrémistes.

«Al-Qaeda recherche ce type de profil, puis les entraîne, les endoctrine», assure le capitaine Ryan.

«Ils les gardent enfermées, et leur répètent pendant des jours que si elles se font exploser, elles iront au paradis», renchérit le colonel Karkhi.

Certaines kamikazes réduites à la misère choisissent de mourir pour de l'argent qu'elles laissent à leur famille, ajoutent les deux officiers.

Les forces de sécurité irakiennes, police, armée ou comités Al Sahwa, sont leurs cibles favorites.

Abou Zarra, chef d'un comité Al-Sahwa dans l'ouest de Baqouba, se souvient qu'une femme portant l'abaya, un tissu noir qui recouvre tout le corps, est venue le voir il y a quelques mois.

«Elle avait 17 ou 18 ans, elle demandait de l'aide. Elle avait besoin de voir Abou Zarra, disait-elle. Elle me parlait sans savoir qui j'étais», raconte-t-il.

Mais le chef tribal, qui doit se rendre à un mariage, confie à l'un de ses gardes le soin d'écouter la jeune femme.

Cette décision lui a sauvé la vie. «Elle a ouvert sa robe et s'est fait exploser», se rappelle Abou Zarra. «On a eu trois morts et deux blessés. Un de mes gars a brûlé vif».

Inquiets pour leur sécurité, les soldats américains patrouillant dans les rues en sont venus à contourner les femmes vêtues d'abayas. «A chaque fois qu'on en voit une, on se demande si elle va exploser», lâche un soldat.

Pour les deux officiers, la mouvance extrémiste a été privée de ses moyens militaires et compense sa faiblesse par des actions spectaculaires.

Selon Abou Zarra, le recours à des femmes kamikazes «montre la lâcheté et la faiblesse d'Al-Qaeda à Baqouba. Ils envoient des kamikazes, parce qu'ici, leur temps est révolu».