John McCain doit regretter amèrement d'avoir mis Barack Obama au défi de se rendre en Irak, pays où le sénateur de l'Illinois n'avait mis les pieds qu'une seule fois, en 2006.

« Regardez ce qui s'est passé au cours des deux dernières années depuis que le sénateur Obama s'est rendu sur place en déclarant que la guerre était perdue, lançait le prétendant républicain à la fin mai. Il n'a vraiment aucune expérience ni connaissance ou analyse sur la question irakienne, et il souhaite rendre les armes depuis longtemps. »

En relevant le défi de son rival, Barack Obama voulait renforcer sa stature d'homme d'État. De Bagdad à Berlin, en passant par Jérusalem, il a fait un voyage qui a ébranlé John McCain et remis en cause l'avantage principal du républicain, son expertise sur les questions internationales.

Le discours de Barack Obama à Berlin constituera un moment important de ce voyage, laissant entrevoir la possibilité d'un retour en grâce du président des États-Unis et de son pays auprès de la communauté internationale. Mais le moment clé de cette tournée est probablement survenu lundi à Bagdad lorsque le premier ministre irakien Nouri al-Maliki s'est mis d'accord avec le prétendant démocrate sur le retrait des unités de combat américaines présentes dans son pays d'ici la fin 2010.

Le lendemain de cette rencontre, le New York Times publiait en première page une analyse soulignant la « chance » du sénateur de l'Illinois. « Non seulement ces développements ont-ils donné à M. Obama une certaine crédibilité en tant que leader mondial éventuel au cours d'une semaine où chacun de ses gestes reçoit une attention intensive dans son pays et à l'étranger, mais ils ont également miné l'argument principal de M. McCain contre lui, à savoir qu'un calendrier de retrait constituerait une capitulation et exposerait les Irakiens à une situation dangereuse », a écrit le quotidien new-yorkais.

Les images de la tournée de Barack Obama au Moyen-Orient ont également désavantagé John McCain. Le jour où le candidat démocrate était photographié aux côtés du général américain David Petraeus dans un hélicoptère survolant Bagdad, le sénateur républicain s'est présenté à un point de presse dans une voiturette de golf conduite par George Bush père.

Deux jours plus tard, Barack Obama, coiffé d'une kippa, déposait à Jérusalem une gerbe au mémorial de la Shoah de Yad Vashem. Le même jour, John McCain défendait sa position irakienne devant le comptoir des fromages d'un supermarché de Bethlehem, en Pennsylvanie.

L'équipe du candidat républicain a exprimé de la frustration tout au long de la semaine. Mercredi, elle a notamment diffusé des vidéos sarcastiques accusant les médias américains d'être tombés amoureux de Barack Obama. Il faut dire que les trois chefs d'antenne des grandes chaînes de télévision – NBC, ABC et CBS – se sont déplacés pour réaliser des entrevues « exclusives » avec le candidat démocrate.

John McCain lui-même n'a pas caché son dépit, voyant un manque de patriotisme dans l'appui de Barack Obama à un calendrier de retrait en Irak.

« J'ai eu le courage et le jugement de dire que je préférais perdre une campagne politique plutôt que de perdre une guerre. Il semble que le sénateur Obama préfère perdre une guerre afin de gagner une campagne politique », a dit le sénateur de l'Arizona mardi.

Hier, le camp McCain a reproché au candidat démocrate de voyager à l'étranger pendant que les Américains éprouvent des ennuis économiques chez eux.

Barack Obama aura visité huit pays lors de sa tournée, qui prendra fin demain en Grande-Bretagne. Avant d'atterrir hier en Allemagne, il s'était arrêté au Koweït, en Afghanistan, en Irak, en Jordanie et en Israël. Il s'est également rendu en Cisjordanie, où il a rencontré le président de l'Autorité palestinienne.

De Jérusalem à Ramallah, le candidat démocrate a promis d'« être un partenaire efficace, que ce soit en tant que sénateur ou en tant que président, pour qu'advienne une paix durable dans la région ».

Le sénateur de l'Illinois sera en France aujourd'hui, où il sera reçu à l'Élysée par Nicolas Sarkozy.

Jamais un prétendant à la Maison-Blanche n'avait entrepris un voyage si ambitieux à ce stade d'une campagne présidentielle. Et jamais un candidat présidentiel n'avait prononcé un grand discours de politique étrangère en dehors des États-Unis.

« Peuple de Berlin, peuples du monde, notre heure est venue », a déclaré Barack Obama, prenant la parole « non pas comme un candidat à la présidence mais comme un citoyen – et un fier citoyen des États-Unis – ainsi qu'un citoyen du monde ».

« Une nouvelle génération, notre génération, doit laisser sa marque dans l'Histoire », a-t-il ajouté après avoir notamment évoqué les luttes contre le terrorisme, les changements climatiques et la pauvreté dans le monde.

Barack Obama pourra sans doute se réjouir de son voyage, mais il est encore loin d'avoir pris son envol dans les sondages. Les études réalisées cette semaine ne lui donnent en effet qu'une avance relativement mince sur son rival.