L'enquête sur les attentats meurtriers survenus dimanche soir dans un quartier populaire d'Istanbul progresse mardi en l'absence de toute revendication, la piste des rebelles kurdes restant privilégiée.

Au moins un suspect a été identifié à partir des enregistrements de caméras de surveillance et des dépositions de témoins de la double explosion, qui a fait 17 morts et 154 blessés dimanche soir dans le quartier de Güngören, rapportent les médias.

Le quotidien populaire Vatan et le journal libéral Taraf, citant des sources policières, décrivent un homme âgé de 20 à 25 ans, mesurant 1m70, mal rasé et portant un T-shirt vert comme le possible poseur de bombes.

Plusieurs autres quotidiens font état de deux suspects identifiés, mais ne donnent pas de détails sur le signalement du deuxième homme.

Vatan affirme que la deuxième bombe, qui a explosé une dizaine de minutes après la première, alors qu'une foule s'était rassemblée pour porter secours aux victimes, était munie d'un système de mise à feu à retardement, afin de ne pas être affectée par les appareils de brouillage d'ondes de la police.

«La police, qui a établi un signalement du terroriste (...) privilégie l'hypothèse qu'il est venu seul des monts Kandil pour commettre son action», rapporte Vatan, faisant référence à un massif montagneux du nord de l'Irak où les rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ont établi leur quartier général.

Le premier ministre Recep Tayyip Erdogan avait implicitement imputé la responsabilité de l'attentat au PKK, estimant lundi que l'attaque était un «coût» à payer pour les opérations menées par l'armée turque contre les rebelles dans le sud-est anatolien et dans le nord de l'Irak. Le PKK avait ensuite démenti toute implication dans les attentats d'Istanbul.

Mardi, M. Erdogan a appelé à ne pas tirer de conclusions trop hâtives.

«S'il vous plaît, ne donnez pas de nom au terrorisme. Laissez les forces de sécurité étudier leurs dossiers et lui donner un nom», a-t-il dit devant les députés de son groupe parlementaire.

M. Erdogan a également appelé à l'unité contre le terrorisme.

«Ce pays, avec son parti au pouvoir, son opposition, les médias, l'armée, la police, les juges et toutes les institutions, s'oppose d'une seule voix, d'un seul coeur au terrorisme», a-t-il déclaré.

L'attentat survient alors que la Turquie traverse une période de fortes tensions entre partisans du gouvernement, issu de la mouvance islamique, et défenseurs d'une laïcité rigoriste, au premier rang desquels figurent l'armée et les juges.

Lundi ont débuté à Ankara des délibérations de la Cour constitutionnelle concernant une possible interdiction du Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir pour cause d'activités antilaïques.

Dans le même temps, une enquête se poursuit sur un réseau nationaliste comprenant un nombre important d'anciens officiers et soupçonné de vouloir semer le chaos et la violence dans le pays pour préparer le terrain à un coup d'Etat militaire qui viendrait renverser le gouvernement.

Un des objectifs du PKK pourrait être, avec cet attentat, «d'approfondir la crise et le chaos qui secouent le pays de sorte qu'on s'occupe moins de lui», commentait l'éditorialiste Rusen Cakir dans Vatan.

Tard lundi, la BBC a diffusé une interview de Murat Karayilan, chef de la branche armée du PKK qu'elle dit avoir obtenue il y a plusieurs semaines, dans laquelle celui-ci évoque le lancement possible d'une campagne d'attentats contre des cibles économiques et militaires dans des villes turques.