Le jury militaire du premier procès d'exception d'un détenu de Guantanamo s'est retiré pour délibérer lundi, et décider si Salim Hamdan, ancien chauffeur de Oussama ben Laden, était un «militant exalté» d'Al-Qaeda ou un simple employé.

Les six jurés militaires se sont retirés peu après 16H00 après avoir entendu les plaidoiries finales des parties. Le verdict devait désormais tomber d'une heure à l'autre.

Poursuivi pour «complot» et «soutien matériel au terrorisme», Salim Hamdan, âgé d'une quarantaine d'années, encourt la prison à vie, à l'issue de quinze jours d'un procès pour «crime de guerre», le premier du genre aux États-Unis.

Avant de donner la parole aux parties, le président du tribunal, l'amiral Keith Allred, a publiquement donné au jury des instructions sur les règles de droit qui devront présider à son choix.

«Il est un membre du complot, il a pris sa part», a déclaré John Murphy, un procureur du département de la Justice américain, pour qui il était bel et bien «un combattant d'Al-Qaeda».

«Il conduisait, il était un garde du corps, il assurait la protection» de Oussama ben Laden», a-t-il énuméré, évoquant l'«escroquerie» que représente selon lui le fait d'avoir emmené le chef terroriste d'un endroit à l'autre en sachant qu'une «opération était en cours».

«Il y a pléthore de faits qui vous montrent qu'il a commis des actes manifestes au service d'un complot», a-t-il encore argumenté, estimant que les chefs d'Al-Qaeda «avaient besoin de militants exaltés, de militants exaltés incontrôlables, comme l'accusé, ici-même, Salim Hamdan».

Pendant la plaidoirie de l'accusation, celui-ci, coiffé de son habituel turban blanc surmonté d'un casque grâce auquel il entend la traduction simultanée des débats, est resté très calme, ne manifestant aucune réaction lorsque le procureur le pointait du doigt.

Brian Mizer, un des avocats militaires de la défense, a expliqué au jury qu'il s'agissait d'«une affaire classique de culpabilité par association». Son client n'était «pas un idéologue endurci», ni «un combattant d'Al-Qaeda», a-t-il plaidé.

«Le général est un criminel de guerre et son chauffeur le serait aussi?», a interrogé Joseph McMillan, un autre de ses conseils. «Ca n'a pas marché ainsi pendant la seconde guerre mondiale, le chauffeur d'Hitler n'a jamais été poursuivi pour crime de guerre, et ça ne marche pas comme ça aujourd'hui», a ajouté l'avocat.

Il a insisté sur «l'immense attention» portée à ce procès, le premier du genre aux États-Unis, par les opinions publiques «nationale mais aussi internationale».

La défense a également rappelé que M. Hamdan avait été particulièrement coopératif avec les Américains après son arrestation en novembre 2001 en Afghanistan.

Selon plusieurs témoins qui se sont succédé à la barre pendant quinze jours de procès, dont certains cités par l'accusation, il avait en effet emmené ses interrogateurs dans plusieurs caches de l'organisation terroriste autour de Kandahar (le fief des talibans).

Selon les règles des commissions militaires, quatre voix au moins sont nécessaires pour un jugement de culpabilité, sans quoi l'accusé sera déclaré non coupable.

Mais quel que soit la décision finale, l'objectif du gouvernement américain était surtout d'offrir à ses détracteurs une procédure crédible à ce procès-test, afin de laver en partie le centre de détention de Guantanamo des controverses qu'il a suscitées notamment en termes de justice et de droit de l'homme.