Éloigné du pouvoir depuis deux ans, Fidel Castro n'en reste pas moins sa référence incontournable, ne faisant pas mystère que sa convalescence ne l'empêche pas de peser de tout son poids sur l'évolution du régime.

Au soir du 26 juillet 2006, à 79 ans, terrassé par une grave hémorragie intestinale, l'infatigable orateur révolutionnaire, figure légendaire du communisme international, devait être transporté dans le plus grand secret sur une table d'opération.

Quatre jours plus tard, le 31, son secrétaire personnel lisait au journal télévisé du soir la «proclamation» par laquelle il remettait provisoirement le pouvoir à son frère Raul.

Depuis février dernier, le provisoire est définitif: Fidel Castro a rejoint le club des «ex» présidents et, comme nombre d'entre eux, s'attelle à rédiger ses mémoires, fort de son record de longévité au pouvoir: 49 ans.

La page est-elle tournée pour autant ? La question est au coeur de discussions acharnées des Cubains, sans parler des «cubanologues» et autres observateurs.

Depuis deux ans, au fil d'une convalescence mouvementée, ponctuée de nouvelles opérations, Castro a alterné éclipses et réapparitions, jusqu'à sa décision, le 19 février, de renoncer à un nouveau mandat à la tête de l'État.

Mais presque aussitôt, son frère Raul faisait voter par l'Assemblée qui, le 24 février, officialisait la succession, le principe d'une consultation régulière de son aîné sur à peu près tous les sujets.

Le «soldat des idées» que se veut désormais Fidel Castro ne s'est pas fait prié: dans un régime traditionnellement «silencieux», qui ne communique que par de rares et laconiques «notes officielles», c'est lui qui,»pleinement consulté et informé», assume en avril «l'entière responsabilité» du limogeage du ministre de l'Education. C'est lui aussi qui met le holà à «l'accès facile aux biens de consommation», quand son frère lève les interdits sur l'achat des téléphones portables, des ordinateurs ou de l'électro-ménager.

De «réflexions» en «réflexions» communiquées à la presse, c'est encore lui qui voit en Barack Obama un candidat «fort» à une présidence démocrate des États-Unis, «au-dessus de ses rivaux», dénonce «les mensonges grossiers» du républicain John McCain ou prend de court les diplomates en qualifiant d'«énorme hypocrisie» la levée en juin des sanctions européennes, avant de se «réjouir» de la libération d'Ingrid Betancourt et de conseiller aux Farc de «libérer sans conditions» leurs otages, mais sans déposer leurs armes.

Unique porte-parole de Cuba durant près d'un demi-siècle, Fidel Castro a ainsi instauré une nouvelle «distribution du travail» avec son frère Raul, en charge du lourd chantier de la remise en état d'une économie exsangue, pendant que, depuis sa retraite médicale, il continue d'interpeller la planète.

Après être passé «entre la vie et la mort», Fidel fêtera le 13 août ses 82 ans dans une convalescence qui semble se stabiliser, même si la nature exacte de son mal demeure un «secret d'État».

Les dernières images l'ont montré le 17 juin en compagnie de son «disciple», le président vénézuélien Hugo Chavez, toujours très aminci, mais décontracté et disert, le survêtement ouvert sur la poitrine, et dans un jardin qui donne à penser qu'il a quitté la suite médicalisée de l'hôpital de La Havane où il séjournait jusqu'alors, sans doute pour une de ses demeures dans l'ouest de la capitale.

Son ami l'écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez, qui a passé plus de cinq heures avec lui le 10 juillet, ne l'avait «jamais vu aussi affectueux» et «détendu».

Une chose est sûre: Fidel Castro ne perd rien de l'actualité et dévore les livres d'histoire. Il est actuellement plongé dans celle de la péninsule coréenne, selon sa 136ème «réflexion» depuis mars 2007.