Deux mille huit... ce devait être une année magnifique avec la tenue des Jeux olympiques et, du même coup, l'entrée de la Chine, ce pays émergent, dans le monde des grands. Ce devait être l'année où les Chinois, bombant le torse, allaient enfin montrer à la planète ce dont ils sont capables.

Imaginez un peu: des mères étaient tellement enthousiastes que plus de 4000 d'entre elles ont appelé leur petit Aoyun, qui signifie Jeux olympiques en français. Les plus vieux «Jeux olympiques» ont vu le jour dès 1992, quand Pékin a pour la première fois posé sa candidature pour obtenir les Jeux. Mais le nombre de bébés ainsi appelés a commencé à augmenter en 2001, quand Pékin a obtenu les Jeux. Viens ici, mon petit Jeux olympiques, que papa change ta couche!

En plus, 2008, avec son 8 final, est un chiffre chanceux pour les Chinois. Il doit apporter richesse et fortune... Vraiment, tout devait bien aller.

Mais ne mentionnez pas le 8 chanceux à Mme Guo, elle qui s'en va vérifier l'état de son portefeuille boursier dans un local de la Guotai Jun An Securities, à Pékin. Elle s'esclaffe quand on lui en parle.

«En général, un 8 sur une plaque d'immatriculation, c'est bien, explique-t-elle. Sauf que cette année, c'est aussi l'année du rat. Et les vieux disent que les années du rat, ce ne sont pas des années tranquilles.»

Pas tranquilles, dites-vous! Ça a commencé par des tempêtes de neige record dans le Sud. Il y a aussi eu les manifestations au Tibet, celles qui ont suivi sur la planète en appui aux Tibétains, une méga-collision de trains et le tremblement de terre au Sichuan, qui a fait 70 000 morts. En prime, ces dernières semaines, les manifestations se multiplient dans le sud du pays et, lundi, à la suite d'un «acte de sabotage», deux autobus ont explosé à Kunming, dans la province du Yunnan.

Et cela, c'est sans compter l'économie qui ralentit, les prix qui grimpent ou la Bourse qui, elle, s'effondre cette année. «Feichang bu hao, vraiment mal», dit Mme Zhou quand on lui demande de commenter l'état de son portefeuille d'actions boursières, en recul de près de 50%.

Il y a bien eu la publication d'un sondage cette semaine qui concluait que les Chinois étaient les leaders mondiaux en matière d'optimisme, que 86% d'entre eux étaient contents de la direction du pays. C'est presque le double d'il y a six ans. Mais les questions ont été posées au début du printemps, avant que les mauvaises nouvelles ne commencent à s'accumuler sur la tête des Chinois.

À l'intérieur de Guotai Jun An Securities, quatre grandes colonnes indiquent les actions qui montent et celles qui baissent. Le rouge étant une couleur appréciée en Chine, ce sont les titres de cette couleur qui augmentent de valeur.

En ce mercredi matin, il y a un peu plus de rouge que de vert au tableau électronique, une composition qui reflète l'état d'esprit de Garlyn, qui ne veut donner que son nom anglais. Garlyn profite des temps difficiles comme celui-ci pour acheter des titres en Bourse. «Je ne sais pas comment est le moral des autres, mais le mien, ça va.» Il précise tout de même: «L'économie chinoise cette année n'est pas très bonne.»

C'est donc dans cette ambiance que Pékin s'apprête à recevoir le monde. En tout cas, ceux qui ont décidé de venir. Parce que plusieurs ont décidé de rester chez eux. Une ambiance non pas morose ce serait trop fort mais pas exaltante non plus. Les Chinois disent une ambiance ma ma hu hu: comme ci, comme ça.

Mme Guo, elle, regarde en avant. Après ce maudit rat de malheur, il y a l'année du boeuf: «C'est mieux que le rat. Mais la meilleure, c'est l'année du cochon.» Pas de veine pour elle, le cochon, c'était l'an dernier.

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SUR MON BLOGUE CETTE SEMAINE

Lundi

Voulez-vous voir une rivière polluée?

Les algues ont fait leur apparition sur la rivière Xiangxi, un affluent du Yangzi, sur lequel est construit le barrage des Trois-Gorges. Outre les graves problèmes de pollution qui causent la formation d'algues, les autorités commencent à dire que le barrage pourrait aussi avoir sa part de blâme, en ralentissant les eaux.

Mardi

À propos du «racisme»des Chinois

Le South China Morning Post écrit que des policiers en civil ont demandé à des proprios de bars de s'engager à ne pas servir de Noirs ni de Mongols pendant les Jeux olympiques. J'ai parlé à six jeunes Noirs, dont une fille qui ne sort pas dans les bars. Quatre avaient entendu parler de l'histoire. Mais non, ils ne se sont pas fait fermer la porte au nez des discothèques. À suivre...

Mercredi

La manif, c'est au parc du Bambou violet

Les manifestants auront accès à trois parcs pendant les Jeux pour faire entendre leurs griefs... s'ils ont d'abord obtenu un permis. Il y a des jours en Chine où j'aimerais pouvoir écouter les discussions qui mènent à ce genre de décisions. J'imagine les deux clans. Dans un coin, de vieux apparatchiks. Dans l'autre, des dirigeants qui poussent pour une plus grande ouverture aux idées de l'Occident. Fascinant.