Plus de cinq mois après les élections qui ont porté au pouvoir son alliance civile-laïque au Pakistan, le premier ministre Yusuf Raza Gilani a été reçu hier à la Maison-Blanche, où il a assuré le président George W. Bush de son engagement à combattre le terrorisme.

L'administration Bush reste toutefois solidement liée à l'armée pakistanaise, et se méfie des forces civiles qui ont refoulé les militaires et les islamistes aux urnes en février, entamant le pouvoir du général-président Pervez Musharraf, allié privilégié de Bush dans la «guerre au terrorisme».

La veille de la première visite de Gilani à Washington, l'aviation américaine en Afghanistan avait frappé au Pakistan, tuant au moins six personnes, dont paraît-il un spécialiste des armes chimiques d'Al-Qaeda, Midhat Mursi al-Sayid Umar.

Silence sur les opérations

La Maison-Blanche a gardé le silence sur la mort possible de Midhat Umar, et de manière générale sur les opérations antiterroristes américaines au Pakistan. «Je ne suis pas en mesure de faire de commentaire», a dit la porte-parole de la Maison-Blanche, Dana Perino.

Elle a refusé de dire si Gilani avait soulevé dans ses entretiens avec Bush la question des frappes aériennes américaines dans les zones tribales au Pakistan frontalières de l'Afghanistan.

Mais Gilani, interrogé sur la question, a répondu qu'il avait dit à Bush de «ne pas agir de façon unilatérale contre les islamistes» dans son pays. Il s'est gardé de jeter sur les États-Unis la responsabilité des frappes de lundi, mais «si cela s'avérait, ce serait une violation de notre souveraineté», a-t-il dit.

«Nous sommes résolus à combattre ces extrémistes et terroristes qui détruisent le monde et le rendent moins sûr», a déclaré Gilani dans ses propos officiels à l'issue de ses entretiens avec Bush. «C'est une guerre contre le Pakistan», a-t-il ajouté, «et nous nous battons pour notre propre cause».

L'impératif afghan

Bush a dit avoir entendu des «paroles fortes» quant à la volonté de son hôte de combattre le terrorisme: «Nous avons parlé de la nécessité de faire en sorte que la frontière afghane soit la plus sûre possible; et le Pakistan s'est très fortement engagé à cela», a ajouté Bush qui, devant la presse, a insisté sur le respect de la souveraineté pakistanaise.

L'armée pakistanaise et ses Services de renseignements (ISI), toujours soutenus par les États-Unis, ont démontré leur toute-puissance une fois de plus ce week-end: le gouvernement Gilani a placé samedi l'ISI sous contrôle du ministère de l'Intérieur, mais il a reculé 24 heures plus tard sous la pression de l'armée.

Le communiqué commun publié après la rencontre Bush-Gilani affirme la volonté des États-Unis de renforcer les capacités de défense du Pakistan, par le biais de l'entraînement et de l'équipement de son armée. Avant même l'arrivée de Gilani, Washington avait annoncé qu'il livrerait des avions F16 au Pakistan dotés de 230 millions de dollars en équipements antiterroristes.

Obama rencontre Gilani

Le candidat démocrate à la Maison-Blanche, Barack Obama, qui est d'accord avec l'administration Bush sur l'importance de la guerre en Afghanistan, a eu lui aussi hier des entretiens avec le premier ministre pakistanais.

La rencontre, sous haute surveillance, s'est déroulée dans un grand hôtel de Washington sans la présence de journalistes.

«Le Pakistan est un partenaire extrêmement important des États-Unis et nous avons discuté de nombreux sujets vitaux pour la sécurité de nos deux pays», a dit Obama dans un communiqué.

Lors d'une réunion de levée des fonds pour sa campagne, Obama a affirmé qu'il avait dit à Gilani que la seule façon de battre les extrémistes à long terme était d'offrir aux gens de meilleures perspectives d'avenir.

Signes de ces attentes et défis, hier au Pakistan: des milliers de manifestants ont salué l'arrivée à Karachi de l'ancien président de la Cour suprême, Iftikhar Muhammad Chaudhry, symbole de la lutte pour la démocratie et l'État de droit; en même temps, les talibans pakistanais ont enlevé 30 membres des forces de sécurité dans la zone tribale de la vallée du Swat.

D'après AFP, AP, Reuters, Atimes.com, Eurasianet.org, New York Times