Le roi des Belges Albert II a mené des consultations intenses mardi pour trouver une issue à la crise causée par la démission du premier ministre Yves Leterme, des élections anticipées paraissant exclues mais l'idée d'un chef de gouvernement francophone étant évoquée.

A 74 ans, le souverain belge devrait recevoir dans son bureau du palais de Laeken, au moins jusqu'à mercredi, tout ce que le pays compte de responsables politiques.

A charge ensuite pour le chef de l'État de désigner une personnalité chargée de mettre sur pied un nouveau gouvernement, ou de reconduire la coalition actuelle, peut-être en changeant le capitaine pour y placer un francophone.

Au sein du parti chrétien-démocrate d'Yves Leterme, le CDV, on fait porter la responsabilité de la crise au «refus» des francophones d'une réforme accordant plus de compétences à la Flandre.

«Le sentiment majoritaire chez les chrétiens-démocrates flamands, c'est que c'est au tour d'un francophone de prendre ses responsabilités», souligne le politologue flamand Dave Sinardet.

L'homme le plus souvent cité est le chef des libéraux francophones, le ministre des Finances Didier Reynders, qui n'a jamais caché son ambition de diriger un jour le gouvernement, ce qu'aucun francophone n'a pu faire depuis 1978.

Mais Didier Reynders «n'est pas enthousiaste» car «il considère qu'il s'agit d'un cadeau empoisonné vu le contexte politique très difficile», selon M. Sinardet.

«C'est avec lui qu'on a mis au point un programme socio-économique. Pourquoi changer?», a lui-même expliqué M. Reynders, en souhaitant le retour d'Yves Leterme.

Le souverain n'avait d'ailleurs toujours pas encore accepté, mardi en fin d'après-midi, la démission d'Yves Leterme, dont le parti reste incontournable.

Le scénario auquel aucun des partis politiques n'a en tout cas intérêt --sauf les nationalistes flamands du Vlaams Belang ou de la NVA-- serait celui de législatives anticipées en septembre, selon les analystes.

«La seule question à l'agenda en Flandre serait la question communautaire et les jusqu'au-boutistes seraient alors en pointe», explique le politologue Pascal Delwit.

Or, ce sont ces questions qui ont poussé Yves Leterme, arrivé au pouvoir fin mars, à jeter l'éponge dans la nuit de lundi à mardi.

Son parti, le CDV, lui avait signifié qu'il n'appuierait pas sa proposition d'organiser à l'automne une grande négociation sur une réforme de l'État accordant à la riche Flandre une autonomie accrue.

M. Leterme proposait d'impliquer les régions belges (Wallonie, Flandre et Bruxelles) dans la négociation, jusque-là confinée au niveau fédéral.

La direction du CDV, allié avec les indépendantistes de la NVA, a cependant jugé ce scénario insuffisant car il ne réglait pas immédiatement la question du seul district bilingue du pays, dans la périphérie de Bruxelles, où la minorité francophone a des droits particuliers.

Ces dernières semaines, les partis francophones ont fait savoir que la «scission» de l'arrondissement électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde réclamée par la Flandre était impensable sans élargissement de la capitale à des communes flamandes à majorité francophone.

Une revendication inacceptable pour les grands partis flamands, qui redoutent de payer chèrement aux élections régionales du 14 juin 2009 tout recul sur cette question symbolique.

Ce blocage «démontre que le modèle de concertation au niveau exclusivement fédéral a atteint ses limites», a jugé M. Leterme.

Sur ce point, son message a été entendu au Palais, puisque parmi les premiers visiteurs du roi mardi figuraient les ministres-présidents wallon et flamand, Rudy Demotte et Kris Peeters, ainsi que Charles Picqué.