Les manifestants altermondialistes brillent par leur absence à Genève, étant persuadés que le nouvel essai de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour conclure le «cycle de Doha» est voué à l'échec.

Lancé en 2001, le «cycle de Doha», appelé aussi «cycle du développement» des pays pauvres, porte sur «la libéralisation du commerce international».

Il comporte quatre volets: ouverture des marchés agricoles par l'élimination des subventions, accès aux marchés pour les produits non agricoles, réduction des obstacles tarifaires et non tarifaires, et libéralisation du marché des services.

Les négociations ont achoppé sur le refus des pays riches, États-Unis, Europe et Japon notamment, de réduire substantiellement leurs subventions de plus de 400 milliards US par an à leurs agriculteurs.

Ces trois puissances se heurtent aux demandes de plus d'une centaine de pays pauvres, ralliés derrière l'Inde, le Brésil, la Chine et l'Afrique du Sud, pour ouvrir leurs marchés aux produits et services.

À Cancun en 2003 et à Hong Kong en 2005, les manifestants se sont mobilisés en force. L'effondrement des négociations à Hong Kong, et ensuite à Potsdam en 2007, a permis aux militants de se mobiliser contre la faim dans le monde et le changement climatique.

Les riches s'affrontent

"La chance d'un accord (à Genève) est tellement mince que les gens ne se mobilisent plus contre l'OMC", estime Carin Smaller, de l'Institute for Agriculture and Trade Policy. La crise économique qui menace les États-Unis et l'Europe ne semble pas dicter l'urgence d'un accord à Genève.

Au quatrième jour des pourparlers hier, un journal indien a parlé de "gel profond". "Pas de percée", a dit Pascal Lamy, patron de l'OMC. Le président français Nicolas Sarkozy a lancé: "Nous ne signerons pas l'accord qui est sur la table".

Peter Mandelson, le commissaire européen au Commerce dont les relations avec Sarkozy sont tendues, a vite rappelé qu'il négociait au nom de l'ensemble de l'UE, pas de pays individuels.

Le fait est que les pays riches s'affrontent aussi entre eux. Le Canada, qui a augmenté ses propres subventions agricoles, s'est plaint auprès de l'OMC de celles des États-Unis qui, dit-il, "faussent les marchés".

À Genève, les États-Unis ont offert de réduire leurs subventions agricoles à moins de 15 milliards US par an. Leur représentante pour le Commerce, Susan Schwab, a dit toutefois que cette offre dépendait de concessions des autres partenaires en matière d'accès au marché des produits agricoles et industriels.

Alarme du CCCI

Les États-Unis "peuvent encore aller plus loin", a dit Peter Mandelson. L'UE a offert de réduire de 60% ses tarifs sur les produits agricoles. Le président brésilien Lula da Silva, qui n'est pas à Genève, a estimé qu'un accord n'était possible que "si les États-Unis et l'UE font de plus amples concessions".

Ce piétinement prolongé alarme le Conseil canadien pour la coopération internationale (CCCI), sur fond de la crise de la faim dans le monde et de la pauvreté croissante.

"Entre 60 et 80% des gens dans les pays en développement vivent de l'agriculture. Mettre fin aux pratiques commerciales déloyales du Nord et garantir aux paysans du Sud une production accrue sont des éléments critiques d'un commerce équitable", écrit le CCCI dans une lettre au ministre du Commerce international du Canada, Michael Fortier.

Dans la foulée de l'appui du Parlement indien au traité de coopération nucléaire avec les États-Unis, George W. Bush a appelé hier Manmohan Singh pour lui demander son aide en vue d'un déblocage sur l'OMC à Genève.

En soirée à Genève, Susan Schwab affichait son pessimisme: "Les progrès ont été insuffisants aujourd'hui. On verra demain (vendredi) si on peut y arriver".

Avec AFP, AP, Reuters, Economic Times, Xinhua, SMH, The Hindu