Même s'il a promis hier un soutien «indéfectible» à l'État hébreu et fustigé le Hamas lors de sa première visite en Israël et en Cisjordanie hier, Barack Obama, candidat démocrate à la présidence américaine, a déjà des milliers de fans parmi les Palestiniens. Notre collaborateur les a rencontrés.

«Les gens surnomment ce village «le Berverly Hills palestinien»«, rigole Idris Abou Bassem en faisant visiter Djaldjulia. Enfilades de villas somptueuses, grosses cylindrées à foison, voirie soigneusement entretenue : niché dans un écrin de verdure, à mi-chemin entre Ramallah et Naplouse, le village témoigne de la réussite des Palestiniens de la diaspora.

À l'instar d'Idris Abou Bassem qui a monté plusieurs supermarchés dans l'Illinois, la plupart des habitants de Djaldjulia ont fait fortune aux États-Unis. «De très nombreux Palestiniens vivent en Amérique, précise-t-il. En ce qui me concerne, tous mes enfants et mes petits-enfants y sont installés. Là-bas, les Palestiniens travaillent dur, mais en général ils réussissent très bien».

À l'unanimité, les habitants du village ont choisi leur camp pour la prochaine élection présidentielle. «Tout le monde est derrière Obama ici, affirme Idris Abou Bassem. Bien sûr ses origines musulmanes y sont pour quelque chose. Mais l'essentiel c'est qu'il ose prendre publiquement partie pour la cause palestinienne.» Même les récentes déclarations du candidat démocrate sur la légitimité juive sur Jérusalem et son opposition à une partition de la ville n'ont pas terni cette image. «Il est obligé de tenir ce type de discours pour plaire au lobby juif, sinon il n'a aucune chance d'accéder à la Maison-Blanche, plaide Idriss Abou Bassem. Mais nous espérons qu'une fois au pouvoir, il obligera les Israéliens à nous donner notre État avec Jérusalem comme capitale.»

En Cisjordanie, Djaldjulia n'est pas le seul endroit à regarder vers l'Amérique. Mondialisation oblige, la culture américaine est omniprésente dans les territoires palestiniens: dans les habitudes vestimentaires, à la télévision, à la radio. Dans les rues de Ramallah, pullulent les enseignes de restauration rapide et les publicités pour les grandes marques américaines. «Nous n'avons rien contre les Américains, jure Ahmed, commerçant de la place Al-Manara. Nous souhaitons simplement que leur gouvernement cesse de trancher systématiquement en faveur des Israéliens, ce que fera Obama.»

Cette «Obamanie» laisse pourtant sceptiques de nombreux Palestiniens. «Le regard des Américains sur nous a changé depuis le 11 septembre, affirme ainsi Moussa Azar, voisin des Abou Bassem qui vit la majeure partie de l'année aux États-Unis. Alors que nous avions toujours été bien accueillis par la population, nous sommes subitement tous devenus des terroristes potentiels. Bien que je possède un passeport américain, d'après mon nom les policiers à l'aéroport savent que je suis arabe et me contrôlent davantage que les autres voyageurs. Même si Obama a les meilleures intentions du monde à notre égard, je doute qu'il puisse changer les mentalités.»

Un ami du tiers-monde

Reste que la visite éclair de Barack Obama hier en Cisjordanie - une première pour un candidat à la Maison-Blanche - semble avoir renforcé sa popularité parmi les Palestiniens.

«S'il est élu, il contribuera à combler le fossé qui sépare les États-Unis du monde arabe, analyse Mohammed Dajani, professeur de sciences politiques à l'Université de Jérusalem. Car à tort ou à raison, le fait qu'il soit noir et originaire du Kenya le range parmi les amis du tiers-monde. Ce qui tranche singulièrement avec Bush ou McCain».

Dans les territoires palestiniens, l'enthousiasme pour Obama est tel que revient souvent la crainte du pire. «S'il tient ses promesses, on ne le laissera pas faire, prédit Moussa, étudiant en droit vêtu à la dernière mode occidentale. Ils feront comme avec Kennedy: ils l'assassineront.»