Le gouvernement français a renoncé à déposer un recours contre un arbitrage très controversé ayant condamné l'État à verser 285 millions d'euros à l'ex-homme d'affaires Bernard Tapie, mettant ainsi un terme définitif à une procédure de 13 ans, a-t-on appris au ministère de l'Économie.

Le litige opposait M. Tapie à l'ex-banque publique Crédit Lyonnais dans l'affaire de la vente du groupe Adidas en 1993-94, qui avait été sous évalué à son détriment.

Ancien ministre du président socialiste François Mitterrand, M. Tapie, qui avait appelé en 2007 à voter en faveur de Nicolas Sarkozy, devrait toucher entre 20 et 50 millions d'euros, une fois pris en compte notamment les intérêts et ses dettes au fisc.

«Nous avons estimé que l'intérêt financier de l'État était de ne pas faire de recours», a-t-on indiqué au ministère.

Cette décision a aussitôt été dénoncée par l'opposition : le chef de file des députés socialistes, Jean-Marc Ayrault, a fustigé «le copinage d'État» tandis que Julien Dray, porte-parole de ce parti, critiquait «un arrangement opaque».

Le parti socialiste a demandé la mise en place d'une commission d'enquête parlementaire pour que soit mis au jour le rôle éventuel de Nicolas Sarkozy dans cette affaire.

L'ex-candidat centriste à la présidentielle François Bayrou s'est également insurgé contre la décision gouvernementale, dénonçant «des ententes et des connivences de toute nature».

«Est-ce que vous croyez que j'ai une tête à être copine avec Bernard Tapie?», s'est défendue lundi la ministre de l'Économie, Christine Lagarde, démentant toute intervention de l'Élysée.

Formé de trois personnalités, un tribunal arbitral avait été chargé par les parties de solder le litige. Il avait ordonné le 11 juillet le versement de 285 millions d'euros à M. Tapie, une somme supérieure aux estimations de la plupart des experts.

Seule une demande en annulation venant de l'État restait possible.

Le recours à un tel tribunal -de type privé alors qu'il s'agit d'argent public- avait suscité de vives protestations de l'opposition de gauche, dont certains représentants ont évoqué une «affaire d'État».

Selon le journal d'investigation Le Canard Enchaîné, Bernard Tapie a bénéficié de l'aide de M. Sarkozy, qui a favorisé la nomination de ce tribunal arbitral plutôt que la poursuite de la procédure judiciaire classique.

Le ministère de l'Economie avait confirmé que des instructions avaient été données dans ce sens, mettant en avant l'avantage de la rapidité.

Bernard Tapie a été le symbole d'une certaine forme de réussite et de pratiques douteuses dans les années 1980/1990. Après avoir fait fortune dans les affaires, dirigé le club de football de Marseille, brillé en politique puis connu la ruine et la prison, il s'est reconverti comme acteur.