C'est loin des caméras, via un communiqué, que Nicolas Sarkozy a annoncé mercredi qu'il assisterait à la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin, déclenchant aussitôt la colère des organisations de défense des droits de l'Homme.

Lors de son entretien avec le président chinois Hu Jintao en marge du sommet du G-8 sur l'île japonaise d'Hokkaïdo, Nicolas Sarkozy a «confirmé son intention» de se rendre à Pékin le 8 août prochain, en tant que président français et président en exercice de l'Union européenne, selon un communiqué de l'Elysée.

Il conditionnait jusque-là sa venue au progrès des pourparlers entre les autorités chinoises et le Dalaï-lama. Récemment, il avait laissé entrevoir sa décision en jugeant que ceux-ci «progress(ai)ent bien».

Interrogé sur le sujet mardi soir lors d'une conférence de presse, Nicolas Sarkozy avait refusé d'évoquer la question.

Mercredi, l'heure était toujours à la discrétion. S'exprimant sous couvert de l'anonymat, un responsable de l'Elysée présent au Japon a expliqué que Paris et Pékin avaient mutuellement convenu de ne pas communiquer sur la question du Tibet.

La présidence française n'évoquait plus non plus la possibilité d'une rencontre de Nicolas Sarkozy avec le Dalaï-lama à l'occasion du séjour du dirigeant tibétain en France du 12 au 23 août.

L'ambassadeur de Chine à Paris, Kong Quan, a il est vrai mis en garde la France contre une telle rencontre, qui aurait des «conséquences graves» sur les relations entre les deux pays, révèle mercredi «Le Figaro». En balance: les contrats portant sur la vente de 56 rames de TGV et de plus d'une centaine d'Airbus.

Le président américain George W. Bush sera également présent à Pékin le 8 août, alors que le premier ministre britannique Gordon Brown assistera lui à la cérémonie de clôture, la prochaine ville accueillant les JO étant Londres.

Ni la chancelière allemande Angela Merkel ni le premier ministre canadien Stephen Harper ne seront en revanche présents. Le président du Parlement européen Hans-Gert Pottering a quant à lui annoncé mercredi qu'il boycotterait cette cérémonie, alors que Nicolas Sarkozy doit prononcer jeudi un discours devant les députés européens à Strasbourg.

«Le président de la République a pris une décision qui était sage», a estimé mercredi François Fillon. Les dirigeants européens consultés par la France «ont souhaité unanimement que le président de la République se rende à la cérémonie d'ouverture», a-t-il assuré.

«La France est le point faible des droits de l'Homme», a protesté en revanche le secrétaire général de Reporters sans Frontières Robert Ménard, se disant «amer et déçu». «C'est un mauvais coup pour le combat pour les droit de l'Homme en Chine», a-t-il déclaré à l'AP.

«Toutes les courbettes de M. Sarkozy ne servent à rien (..) Il n'y aura pas une rame de train de plus, pas une centrale nucléaire de plus» vendue à Pékin. En revanche, «il aura perdu son honneur», a-t-il accusé. RSF appelle à des rassemblements de protestation devant les ambassades de Chine dans le monde le 8 août.

«Nicolas Sarkozy, dans cette affaire, est un peu le maillon faible de l'Europe», a également déploré l'ancien ministre socialiste Pierre Moscovici sur France-info. «Une politique de faiblesse à l'égard de pays qui ne sont pas démocratiques (...) est une politique qui échoue».

En faisant pression sur Paris pour empêcher une rencontre avec le Dalaï-lama, «la Chine se permet à l'égard de Nicolas Sarkozy ce qu'elle ne se permet pas à l'égard de George Bush, qui a reçu le Dalaï-lama» et «à l'égard d'Angela Merkel», a-t-il souligné.

«La décision du chef de l'État est compréhensible, mais pour nous elle est regrettable», a déclaré sur i»télé Lionnel Luca, le président (UMP) du groupe d'étude sur le Tibet à l'Assemblée nationale. Il a suggéré aux Français de boycotter la retransmission télévisée de la cérémonie d'ouverture des Jeux: «le 8 août, vous aurez mieux à faire»...