Les Nations unies ont commencé mardi à évacuer du personnel non essentiel du Darfour alors que des islamistes manifestaient à khartoum en soutien au président Omar el-Béchir accusé de graves crimes devant un tribunal international.

«Le processus de redéploiement est en cours», a déclaré un responsable de l'ONU à l'AFP sous couvert de l'anonymat, au lendemain de l'appel du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, à lancer un mandat d'arrêt contre le président soudanais qu'il a accusé de génocide, crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour, une province en guerre civile depuis 2003.

La force conjointe ONU-Union africaine au Darfour (Minuad) a annoncé qu'elle transférerait en Ethiopie ou en Ouganda du personnel non essentiel malgré les assurances des autorités soudanaises de faire leur possible pour protéger soldats et travailleurs humanitaires.

Selon des témoins, deux bus ont quitté le quartier général de la Minuad à Al-Facher, capitale du Nord-Darfour, pour être transféré à Entebbe en Ouganda.

Des responsables soudanais et occidentaux ont prédit que la démarche de la CPI, considérée par beaucoup au Soudan comme une atteinte à la souveraineté nationale, pouvait provoquer des représailles contre les ambassades occidentales et les missions de paix de l'ONU au Darfour et dans le sud du pays.

L'ONU a cependant assuré que ses missions n'étaient pas remises en cause.

«Nous nous sommes engagés à remplir nos obligations de maintien de la paix au Soudan ainsi que nos mandats et nos tâches. Nous voulons aussi faire remarquer que la sécurité du personnel de l'ONU, du personnel international et des ONG est primordiale», a déclaré Brian Kelly, porte-parole de l'ONU

«Il ne s'agit pas d'une évacuation. Nous allons redéployer du personnel non essentiel de manière temporaire», avait assuré Joséphine Guerrero, porte-parole de la Minuad au Darfour, avant les permiers départs.

Selon des responsables à al-Facher, quelque 200 personnels devaient s'envoler mardi pour Entebbe et Addis Abeba. D'autres déplacements pourraient suivre. Quelque 60 à 65 parents de personnel de l'ONU ont aussi quitté Khartoum après le relèvement du niveau d'alerte dans la capitale.

Le Soudan a critiqué ces départs.

«C'est très malencontreux. Ils y procèdent malgré nos assurances répétées de leur offrir une protection, de leur permettre d'effectuer leur travail quotidien», a dit le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Ali al-Sadiq.

La Minuad a lié ces retraits à l'embuscade de mardi de la semaine dernière où huit soldats ont été tués et une vingtaine blessés par des miliciens.

Par ailleurs, les protestations à l'appel du pouvoir dans la capitale soudanaise n'avaient mobilisé que quelques centaines de partisans du président Béchir en milieu de journée.

Un groupe mené par un mouvement d'étudiants islamistes a marché de l'université de Khartoum jusqu'aux bureaux du Programme des Nations unies pour le dévelopement (PNUD) et l'ambassade de Grande-Bretagne en criant: «Nous sommes l'armée de Mahomet (le Prophète) et nous protègerons notre président avec notre sang».

Près de 400 membres de tribus membres du Congrès national, le parti gouvernemental, ont organisé une autre manifestation devant le palais présidentiel.

La mise en cause du chef de l'État soudanais est la première par la CPI d'un président en exercice pour génocide et crimes contre l'humanité.

Le Soudan a immédiatement rejeté les accusations et menacé d'une «réaction» si l'affaire était portée devant les Nations unies.

Khartoum ne reconnait pas la CPI et refuse déjà de livrer deux autres responsables, y compris un ministre, sous le coup de mandats d'arrêt pour crimes présumés au Darfour.

Le conflit a fait plus de 300 000 morts, selon l'ONU, 10 000 morts selon Khartoum. M. Moreno-Ocampo établit à 118 000 le nombre de morts des suites de déplacements et à 35 000 celui de civils tués dans des affrontements.