Le président français Nicolas Sarkozy a pris les rênes mardi de l'Union européenne dans une atmosphère de crise accentuée par le refus du président polonais de ratifier le traité de Lisbonne et de virulentes critiques à son encontre venues de Bruxelles.

Le jour même de l'entrée en vigueur de la présidence française pour six mois, M. Sarkozy a essuyé coup sur coup deux mauvaises nouvelles.

La première est venue de Varsovie, lorsque le président Lech Kaczynski a annoncé qu'il ne ratifierait pas le traité de Lisbonne, selon lui «sans objet» après le rejet irlandais de ce texte.

La seconde est arrivée de Bruxelles: dans un communiqué, le commissaire européen au Commerce Peter Mandelson a jugé «fausses» et «injustifiées» des attaques de M. Sarkozy contre lui, estimant en outre qu'elles nuisaient à l'unité européenne dans les négociations à l'Organisation mondiale du commerce (OMC).

M. Sarkozy avait critiqué lundi soir à la télévision la position défendue à l'OMC au nom de l'UE par M. Mandelson sur l'agriculture, assurant qu'il ne «laisserait pas faire».

À Paris, l'heure était pourtant aux symboles unitaires: peu avant minuit, lundi soir, la Slovénie a passé le relais au ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, qui a marqué le coup d'envoi de six mois de présidence française en illuminant de bleu la Tour Eiffel, ornée des douze étoiles du drapeau européen.

Pour la première journée de cette présidence, les membres de la Commission européenne - y compris M. Mandelson- emmenés par son président José Manuel Barroso étaient attendus à Paris.

Au programme: déjeuner avec le Premier ministre François Fillon, séminaire Commission-gouvernement, cérémonie à l'Arc de triomphe et dîner au palais de l'Elysée avec Nicolas Sarkozy.

Le président français aura fort à faire après le rejet en juin par les Irlandais du traité de Lisbonne, un texte censé sortir pour de bon l'UE de la crise institutionnelle provoquée en 2005 par les «non» néerlandais et français à la Constitution européenne.

D'autant que le refus inattendu du président polonais s'ajoute au problème tchèque où la ratification est loin d'être acquise. Or M. Sarkozy voulait «circonscrire le problème» institutionnel à l'Irlande, tablant sur une poursuite de la ratification dans les autres pays où elle est encore en cours.

«On n'a pas trop de temps» pour trouver une solution avant «la limite» des élections européennes de juin 2009, a-t-il fait valoir lundi soir à la télévision, en réaffirmant que tout nouvel élargissement se trouvait bloqué de facto. Il se rendra le 11 juillet à Dublin.

Malgré l'ambiance de crise, M. Sarkozy affiche son volontarisme, appelant à «changer profondément notre façon de faire l'Europe».

«On attend de l'Europe qu'elle protège les Européens contre les risques que fait peser la mondialisation, et c'est là que ça ne marche pas», a-t-il jugé à quelques heures du début de sa présidence.

La France espère que des avancées concrètes sur quelques gros dossiers permettront de ranimer la confiance des citoyens dans l'UE.

Paris a ainsi fixé quatre priorités pour son semestre: adoption d'un «paquet» de mesures en matière de climat et d'énergie, pacte européen pour l'immigration, relance de l'Europe de la défense et agriculture.

Nicolas Sarkozy a toutefois pris le risque de créer d'autres remous en lançant lundi soir une nouvelle charge contre la Banque centrale européenne, à quelques jours d'une hausse attendue des taux d'intérêt. Selon lui, la BCE «devrait se poser la question de la croissance» et «pas simplement de l'inflation».

Pour donner de l'éclat à sa présidence, la France compte surtout sur le lancement de l'Union pour la Méditerranée (UPM), le 13 juillet, en présence d'une quarantaine de chefs d'Etat ou de gouvernement.